dimanche 29 mai 2005

Lords of the world

L'exergue que Wells avait donné à son The War of the Worlds manquera sa doute au simple spectateur du film (Cf. Spielberg vs Wells).

Il reprend un passage d'un des monuments de la littérature anglaise The Anatomy of Melancholy (1621) dans lequel Robert Burton (1577-1640) son auteur cite son contemporain Johannes Kepler (1571-1630). Le voici :

"But who shall dwell in these Worlds, if they be inhabited ? ... Are we or they Lords of the World ?... And, how are all things made for man ?"

ce qui est traduit : "Mais qui peut habiter ces Mondes, s'ils sont habités ? ... Qui sont les Maîtres de l'Univers, eux ou nous ?... Et comment toutes choses ne seraient-elles faites que pour l'homme ?" dans la première note apportée à l'édition "Folio plus" n° 42 qui reproduit la traduction que Henry D. Davray donna au Mercure de France en 1950 (Paris : Gallimard, 1998).

Le passage dont est tirée l'exergue figure dans la seconde partie, "The Cure of Melancholy". Le voici dans son intégralité :

For the planets, [Kepler] yields them to be inhabited, he doubts of the stars; and so doth Tycho in his astronomical epistles, out of a consideration of their vastity and greatness, break out into some such like speeches, that he will never believe those great and huge bodies were made to no other use than this that we perceive, to illuminate the earth, a point insensible in respect of the whole. But who shall dwell in these vast bodies, earths, worlds, if they be inhabited? rational creatures? as Kepler demands, or have they souls to be saved? or do they inhabit a better part of the world than we do? Are we or they lords of the world? And how are all things made for man?

Le titre complet du monumental ouvrage que Robert Burton signa du pseudonyme de Democritus Junior est The Anatomy of Melancholy, What it is, with all the kinds, causes, symptomes, prognostickes and severall cures of it.. Philosophically, medicinally, historically opened and cut up. Un facsimilé de l'édition H. Cripps (Oxford, 1638) peut être téléchargé à partir de Gallica (73 Mo). La version numérique du Poject Gutenberg est de loin plus praticable mais semble-t-il partielle. Une version intégrale française (deux gros volumes réédités en 2004 en coffret) existe chez Corti qui lui consacre une page sur son site :

Chacun connaît le jeu de l'île déserte. L'anatomie de la mélancolie de Robert Burton (1576-1640) fait partie des dix livres à emporter sur cette fameuse île. Sans équivalent à son époque ni après elle, l'Anatomie est la somme de toutes les questions que se pose l'individu face au monde, la somme aussi de toute la culture classique. Si l'Anatomie est la Bible de l'honnête homme, elle demeure pour nous un livre total.

Suit un passage tiré du prologue qui donne vraiment envie de se procurer l'ouvrage et d'en dévorer les quelque 4000 pages :

Si la sentence de Synésios de Cyrène, voler les travaux des morts est une plus grande offense que voler leurs vêtements, est justifiée, que deviendront la plupart des écrivains ? À la barre, je lève la main avec les autres car je suis coupable de ce type de crime, vous avez l’aveu de l’accusé, être condamné avec les autres me satisfait. Il est tout à fait vrai que nombreux sont ceux que tient la maladie incurable d’écrire et il n’y a point de fin à multiplier les livres, comme le disait déjà le vieux sage ; à notre époque écrivassière et tout particulièrement alors que le nombre de livres est innombrable, comme l’a dit un homme de valeur, et quand les presses sont oppressées, à une époque où il suffit que tout un chacun soit d’humeur à se gratter pour vouloir s’afficher et désirer célébrité et honneurs (nous écrivons tous, doctes et ignares), celui-là écrira quoi qu’il en soit et y parviendra, peu importent ses sources. Ensorcelés par le désir d’être célèbres, même au plus fort de la maladie, au risque de perdre la santé et d’être à peine capables de tenir une plume, ils doivent dire quelque chose, le sortir d’eux-mêmes, et se faire un nom, quitte à écraser et à ruiner beaucoup d’autres personnes. Ils veulent être comptés parmi les écrivains, être salués comme écrivains, être acceptés et tenus pour polymathes et polyhistors, se voir attribuer par la foule ignorante l’appellation vaine d’artiste, obtenir un royaume en papier; sans espoir de gain mais désireux d’une grande célébrité, à notre époque d’érudition immature, de précipitation et d’ambition (voilà comment J. C. Scaliger la critique) et alors qu’ils ne sont encore que des disciples, voilà qu’ils veulent devenir des maîtres et des professeurs, avant même de savoir écouter correctement. Ils se précipitent vers tous les domaines de la connaissance, civils ou militaires, vers les auteurs de théologie et ceux des humanités, fouillent tous les index et tous les pamphlets pour produire des notes, comme nos marchands draguent le fond des ports étrangers pour y faire entrer leurs navires, ils écrivent de gros volumes, alors que ces derniers attestent qu’ils sont plus loquaces qu’érudits. Ils prétendent généralement être à la recherche du bien de tous, mais, comme le fait remarquer Gesner, ils sont poussés par l’orgueil et la vanité, ils n’apportent rien de neuf ni rien qui en vaille la peine, seulement la même chose, en d’autres termes. S’ils deviennent auteurs, c’est pour occuper les imprimeurs ou pour prouver qu’ils ont existé. Tels des apothicaires, nous réalisons de nouveaux mélanges tous les jours, versons d’un récipient dans un autre, et comme ces anciens Romains qui pillèrent toutes les cités du monde pour construire leur Rome, en en choisissant si mal le site, nous écrémons l’esprit des autres hommes, prenons les plus belles fleurs dans les jardins que d’autres ont entretenus avec soin et les transplantons dans nos propres parterres stériles. Ils lardent leurs maigres livres de la graisse de ceux des autres dénonce Giovio. Voleurs ignorants, &c. Faute que soulignent tous les écrivains, comme je le fais en ce moment, et pourtant tous sont coupables, ils sont des hommes de trois lettres, tous des voleurs, ils pillent les écrivains d’autrefois pour rembourrer leurs nouveaux commentaires, raclent les tas de fumier d’Ennius, plongent dans le puits de Démocrite, comme je l’ai fait. Et c’est ainsi que l’on voit que non seulement nos bibliothèques et nos librairies sont pleines de papier puant, mais aussi toutes les chaises percées, toutes les latrines ; les vers qu’ils écrivent sont lus à la selle; ils servent à emballer les tourtes, à envelopper les épices, à empêcher les rôtis de brûler.

Chez nous, en France, nous dit J. J. Scaliger, tous les hommes sont libres d’écrire, mais peu en sont capables, jusqu’à présent le savoir était servi par des savants au jugement sain, mais à présent les sciences les plus nobles sont salies par des pisse-copie vils et sans culture qui écrivent par vaine gloire, par nécessité, pour obtenir de l’argent ou pour flatter et enjôler quelque grand homme qu’ils parasitent ; ils produisent des niaiseries, des déchets et des sottises. Parmi tant de milliers d’auteurs, vous aurez du mal à en trouver dont la lecture fera de vous quelqu’un d’un peu meilleur; tout au contraire elle vous infectera alors qu’elle devrait contribuer à vous perfectionner.

Celui qui lit ces choses,
Qu’apprend-il sinon des billevesées et des bagatelles
?

De sorte qu’il arrive fréquemment (Callimaque l’a remarqué autrefois) qu’un grand livre soit un grand malheur. Cardan accuse les Français & les Allemands d’écrire pour rien, il ne leur reproche pas d’écrire, mais voudrait les voir faire preuve d’inventivité ; nous continuons sans cesse à tisser le même filet, à tordre la même corde encore et encore, ou alors, s’il s’agit d’une nouveauté, elle n’est que babiole ou divertissement écrit par des gens oisifs qui souhaitent être lus par des gens tout aussi oisifs; et pourquoi ne savent-ils pas inventer? Il faut avoir un esprit bien stérile pour, à notre époque où tous écrivent, ne rien forger de neuf. Les princes exhibent leurs armées, les riches se vantent de leurs édifices, les soldats de leur virilité, et les lettrés divulguent leurs babioles, il faut qu’on les lise, il faut qu’on les entende, qu’on le veuille ou non.

samedi 28 mai 2005

(The) War of the Worlds

Dans sa République des livres (un blog du Monde), Pierre Assouline [P. A.] se désole de constater que dans la "bande-annonce d'un "grand" film américain qui nous tombera dessus le 3 juillet", on fasse si peu de cas de l'auteur du livre qui a servi de source d'inspiration au réalisateur. Il écrit :

"Un concentré d'images spectaculaires amplifié par les décibels. Puis, occupant tout l'écran en gros caractères, successivement "La guerre des mondes" et "un film de Steven Spielberg". Enfin une avalanche de noms, une trentaine peut-être, lancés à une vitesse quasi subliminale. Et perdu entre ceux du directeur de casting et du responsable des effets spéciaux, celui de H.G.Wells. Le seul sans lequel ce film n'existerait pas. On en est là.

War of the Worlds est ainsi présenté comme un film "based on the novel by H.G. Wells" sur un site qui lui est consacré et sur lequel on trouve tout un arsenal de "teaser", "trailer", "clip" qui met surtout en avant l'acteur principal, Tom Cruise. C'est nous dit-on :

A contemporary retelling of H.G. Wells's seminal classic, the sci-fi adventure thriller reveals the extraordinary battle for the future of humankind through the eyes of one American family fighting to survive it.


Comment résister ? Pour tout savoir sur la fabrication du film, il faut lire le long article de Frank Rose dans le n° 13.06 de Wired.

P. A. poursuit : "Le produit provoquera certainement la cohue aux guichets plutôt que la panique dans les rues. Pour celle-ci, le cinéma n'arrive pas à la cheville de la radio quand un génie est derrière les micros. La Guerre des mondes d'Orson Welles et de sa troupe du Mercury Theater, c'était en 1938 mais on en parle encore."

Un site fournit même la possibilité d'écouter le fameux canular (57 mn 32 s.) ainsi présenté sous la photo reproduite ci-contre montrant H. G. Wells et O. Welles :

In the fall of 1938, genius extraordinaire Orson Welles, then master of broadcast theatre production for the Columbia Broadcasting System, produced and starred in an exciting on-air dramatization by Howard Koch, based on author H.G. Wells' classic science-fiction "The War of the Worlds" as part of the Mercury Theatre's Halloween offering. The play was aired on the 30th, the day before Halloween. Big mistake.

Pour conclure, P. A. nous fait la confidence d'une crainte que nous partageons tous de voir la littérature (la vraie) s'effacer devant le cinéma commercial :

"Ce que je crains ? Ce mépris pour l'écrivain ravalé au rang d'inspirateur, de fournisseur d'idées comme un vulgaire gagman. Les jeunes qui verront ce film seront persuadés à jamais que La guerre des mondes est de Spielberg, comme des millions d'enfants sont convaincus que Blanche-Neige, Cendrillon, Tom Pouce, Le petit chaperon rouge ont été inventés par Walt Disney. Qui connait encore le nom de Grimm parmi ces spectateurs ?"

Bon l'affaire est entendue, le risque existe. Néanmoins, le souvenir de Wells et son oeuvre est loin d'être effacé. Ils ont déjà résisté, l'un et l'autre, à pas moins de 68 adaptations cinématographiques. The War of the Worlds l'avait déjà été en 1953 par Byron Haskin (1899-1984), également auteur d'un Robinson Crusoe on Mars (1964) s'inpirant de Daniel Defoe (1660-1731) !

Herbert George Wells (1866-1946) et son oeuvre la plus fameuse sont du reste très présents sur l'internet, il est vrai essentiellement en anglais.

Plusieurs sites web en fournissent des versions numériques :
- Fourmilab qui fournit aussi une version numérique de The Time Machine (1895)
- Bartleby.com
- The Literature Network offre même un moteur de recherche pour approfondir sa connaissance du roman
- la Washington State University propose un "Study Guide" par Pr Paul Brians

Il y a aussi des sites de fans qui montre l'étendue de l'influence de ce roman qui date quand même de 1898 et dont la première version française fut donnée au Mercure de France en 1900. L'aventure continue.

vendredi 27 mai 2005

Vitamines

Jamais le dernier à assurer sa promotion et celle de ses techniques de réflexion, Edward de Bono livre dans son message hebdomadaire du 23 mai dernier, "Olympic Games", des indiscrétions sur les J.O. de Pékin 2008 :

London and Paris are full of notices promoting the 2012 Olympic Games. I wonder how many people seeing these notices know that the continuation of the Olympic Games is due in part to me.

The 1976 Games were held in Montreal and lost a huge amount of money. After Montreal no city in the world wanted the Games. Fortunately, Moscow agreed to host the 1980 Games because they had a different accounting system. After Moscow there was again the problem of finding a city to host the Games. Finally, Los Angeles agreed to host the Games. For the first time in history the Games made a considerable profit. After Los Angeles, cities round the world compete strongly to get the Games. So much so that bribes are even alleged.
When Peter Ueberroth, the organiser of the successful Los Angeles Games, was interviewed by the Washington Post he was asked how he had made such a success of the Games. He told how he had used 'Lateral Thinking' to generate the new ideas and concepts that were needed. Someone sent me this cutting. I wrote to Peter Ueberroth and asked him where he had learned his Lateral Thinking. He reminded me that he had been my host when I talked to the Young Presidents Organisation in Boca Raton Florida in 1975. From that ninety minute talk he took some of the principles and tools of lateral thinking and applied them nine years later to the design of the Los Angeles Games. That says much for his leadership and ability.
For this reason when I was in Beijing two years ago, the Olympic Committee asked for a special meeting with me. We generated some interesting ideas which may be used in 2008.


Il est encore trop tôt pour savoir quel sera l'impact du "lateral thinking" sur la tournure que prendront les jeux chinois. En attendant, on peut toujours s'amuser à penser latéralement avec la liste d'énigmes fournit par Paul Sloane ou en plongeant dans les archives mises à disposition par Arlet Ottens.

Ailleurs, dans un texte écrit après un séjour en Chine dans le cadre du World Economic Forum qui l'a amené à donné des conférences dans divers lieux, tels le Beijing Olympic Committee, le Beijing Institute of Technology, China Central TV et une conférence publique, texte que l'on trouve sur le site Thinking Managers, E. de Bono fournit son analyse du retard chinois :

As a culture, the Chinese are highly intelligent, very disciplined and hard-working and show a high respect for each other (see the Beijing traffic problem). The economy is growing by about 7.3% p.a at the moment.
Two thousand years ago the Chinese were far ahead of the West in science and technology. They had gunpowder and rockets. They had invented printing and paper long before the West. Had China continued at the same rate of progress, today China would easily be the dominant economic power in the world. So what happened?
The Chinese had a formal and civilised society very early. This had two effects. The first is that you advanced by doing things the way they should be done. The incredibly stiff Civil Service exams meant that the brightest youngsters aspired to do things in exactly the right way. The second effect is that you use your intelligence to adjust to the world rather than to change the world. Bernard Shaw put it neatly: 'Progress is due to the unreasonable person. The reasonable person seeks to adjust to the world. The unreasonable person seeks to change it'.
Then there were the scholars, the academics and the mandarin class in general. They sought certainty. They described things as they were. There was no room for ambiguity, possibility or 'maybe'. This traditional deadening effect of the scholar class (also present in the West) held back progress and was the basic reason behind the 'Cultural Revolution'. That is not to justify the way this revolution was carried out.
It seems the Chinese never developed the 'hypothesis'. Without that key piece of 'mental software', progress came to an end. Where did the hypothesis come from? It came from ancient Greece and the pre-Socratic thinkers, who were much brighter than the Gang of Three but were suppressed by the Gang and, much later, by Christian thinkers.

In science the hypothesis provides a framework for collecting evidence and designing experiments. In Karl Popper's view you should set up the most 'reasonable' hypothesis and then seek to refute this. This approach is very seriously flawed. If you only have the most reasonable hypothesis, you can only see the evidence in one way. You need other hypotheses, even if they are unreasonable. After all, reason is only a framework of expectation set up by past experience. In technology the hypothesis is the 'vision'. We imagine a possibility and then look to see how we can make it happen. So it is possible that this very intelligent Chinese culture was brought to a standstill through the absence of this key piece of mental software.

Il ne s'arrête pas là et se pose en sauveur de la Chine. En effet, ses travaux constitueraient, selon lui, la vitamine dont la Chine a besoin pour devenir une puissante nation :

The human body needs food. It also needs vitamins. The vitamins work with key enzymes to carry out essential work. Without a key vitamin, life can stop. The 'possibility system' is a key vitamin in progress. That is why the Chinese have become so interested in my work. They see this as the key missing vitamin in their thinking. I agree. I believe that if this 'vitamin' is introduced in all schools and at all levels in society, China will become a very powerful nation indeed.

jeudi 26 mai 2005

Beida online

Beida comme si on y était, ou presque.

L'internet permet dorénavant de suivre des cours de littérature chinoise ancienne dispensés à des étudiants chercheurs de l'Université de Pékin (Beijing daxue). Grâce à Internet Explorer, RealOne Player et une connection à haut débit, on peut ainsi pénétrer dans un amphi flambant neuf de la prestigieuse université chinoise.

Pour l'instant, seuls trois cours sont disponibles. Un cours sur le poète Du Fu par le Pr. Qian Zhixi, un sur les prosateurs des Tang, par le Pr. Ge Xiaoyin et un autre sur nul autre que Li Yu 李漁 (1611-1680) par le Pr. Liu Yongqiang. (Voir photo ci-contre).
Pr. Liu aborde en 52 minutes et 58 secondes "La création romanesque de Li Yu", devant un public peu fourni, principalement composé de jeunes filles.

La difficulté ne vient pas de ce que le cours soit donné en chinois, mais que le serveur de l'université ne livre son contenu que par paquet d'octets et non, comme on pourrait l'espérer, en flot continu. Il faut sans doute s'installer dans cette classe virtuelle au moment où elle est le moins fréquentée. En fait, au bout de cinq minutes, l'image n'apporte rien et l'on se contente du son.

mercredi 25 mai 2005

Perles printanières ad nauseam

Pour un enseignant, la fin du mois de mai n'est pas seulement la période bénite des cerises et des premiers melons, mais avant tout le moment idéal pour tester sa résistance psychologique. Pour ceux qui n'en seraient pas encore conscients voici un petit aperçu de ce que ce serviteur de l'état fidèle et consciencieux doit affronter en lisant des tas de copies qui ne sont pas toutes du niveau requis (en l'occurrence, première année de Licence Langue, littérature et civilisation chinoises). L'examen portait sur le cinéma chinois et proposait de traiter par écrit et en deux heures, un des trois sujets proposés.

Ces perles vous sont livrées dans leur emballage d'origine sans retouche, ni correction, mais avec des coupures indiquées par (-) et le cas échéant, une note liminaire superflue :

Le sujet qui invitait à présenter de manière synthétique les aspects de la société chinoise mis en avant par les six films visionnés pendant le semestre, est passablement traité, mais avec des dérapages de cet acabit :

Visionner un film chinois peut s'apparanter à une observation intrinsèque de la Chine ; la société contemporaine chinoise présente des aspects bien particuliers. Quelles en sont les grandes lignes ? L'amour et l'argent sont des valeurs à double tranchant. Ils expliqueraient probablement la médiocrité du comportement humain. L'amour donne des ailes (dicton pas encore sinisé). Le plus beau des sentiments pousse la conscience humaine à agir dans le non-être. (-) Dans XXX, le protagoniste tente de séduire de façon irréfléchie son obèse partenaire. Après 18 échèques, il met tout en oeuvre pour posséder cette femme ; lui est consacré tout son temps, tout son argent et la participation de tous ses amis. (-) Dans XXX, l'héroïne adonaissante se voit contraint de se marier à un enfant de deux ans. Le poids des traditions lui pousse à commettre l'erreur impardonnable : être enceinte de son amant ouvrier. (-) Enfin, l'argent a la faculté de devenir inconcistant pour devenir bienfaisant. (-) L'amour est donc une émotion magnifique mais la finalité, soit le mariage, altère l'image des sentiments. L'argent permet de survivre en Chine mais les moyens pour se l'appoprier sont cruels.

Orthographe toujours aussi catastrophique avec cette autre copie dont on devine qu'elle n'est pas de la main d'une fille :

L'aspect que je vais traiter, sont les rapports qu'a la société chinoise avec l'amour et tous ce que la compose, quelque soit le milieu ou le le lieu.
(_) ... à un moment les moins propices pour celà, le héros est en plein dans son rapport sexuel avec sa maîtresse.

Là, on entre dans le champ de la poésie spectrale. Une copie bien courte, mais avec des trouvailles qui compensent largement la faiblesse du débit par la puissance des images. Jugez plutôt en lisant le cinquième d'un ensemble aux contours bien flous :

Loin des préjugés hypocrites américains débilitant waltdisneyiens, la Chine ou plutot certains réalisateurs chinois s'expriment sur un sujet n'obéissant qu'aux lois naturelles mais prit dans une société communiste aux normes sociales très puissantes. (-) Dans la relation homme/femme, vis à vis de l'amour, peu de relation résistent aux problèmes issus des traditions ancestrales, ou bien les "manières de faire", et du sac imperméable communiste qui se heurtent tout simplement à la nature humaine. Celle-ci, primordiale, bien plus puissante encore trouve son échapatoire dans l'adultère, qui prend alors plus comme synonyme "libérateur" que "gourmandise".

Il est vrai que c'est assez peu croyable, mais je n'ai rien inventé.

Avant de vous livrer un nouveau collier de "perles printanières", permettez-moi de vous mettre en garde contre la dangerosité de ces textes dont l'influence ne peut être que néfaste. Alors, SVP, n'en abusez pas :

A l'origine de principes anciens est basé sur la doctrine confucioniste le mariage signe suprême de sociabilité est visé par tous. (-) Les chinois seront choqués du comportement des occidentaux ne connaissant en général qu'une femme dans leur vie, et le divorce est rejetté des mentalitées. (-) L'aspect glamour de la chine est omniprésent en chine. Vraisenblablement en relation avec les mariages arrangés et pour la plus part dépourvu de vraies sentiments elle montre une Chine rêveuse. Une Chine qui se crée un hunivers romantique, de chansons d'amours et de films à l'eau de rose. Mais la Chine "fleur bleus" connait toutefois une évolution des moeurs avec notamment une très forte occidentalisation.

Les trois dérapages suivants proviennent de la même copie :

Le courageux papa s'enfuit ; le personnage principal se marie à tout hasard ; les sentiments peuvent venir un fois le mariage consumé.

mardi 24 mai 2005

Sérénité

Il semblerait que depuis l'adaptation cinématographique par Ridley Scott de Do Androids Dream Of Electric Sheep (1968) de Philip K. Dick (1928-1982), les cinéastes américains d'abord, puis tous les autres, proposent une ville du futur dont le niveau le plus bas est entièrement colonisé par les commerces asiatiques. Les enseignes lumineuses japonaises du Los Angeles de 2019 de Blade Runner (1982) sont dorénavant de en plus souvent remplacées par les magnifiques néons qu'on trouve dans toutes les grandes villes chinoises.
C'est ce que laisse entrevoir à nouveau la bande-annonce d'un "futuristic action-adventure movie" dont la sortie américaine est prévue pour septembre. Serenity, c'est son titre - il est doublé en chinois par les deux caractères en graphie simplifiéeningjing - est réalisé par Joss Whedon, dont l' "unique vision of the future" mise en avant dans le trailer n'a pas l'air si originale que cela. Elle ne l'est assurément pas dans sa vision des stratifications sociales de demain, les Chinois au plus bas, juste au dessus des égouts !

vendredi 20 mai 2005

Sorcellerie péremptoire

Celui qui désire lire ce que Claude Roy (1915-1997) a écrit sur la Chine, en dehors de Sur la Chine (Gallimard, "Idée", n° 479), petit recueil d'articles rédigés entre 1953 et 1979, n'a qu'à s'en remettre au hasard des rencontres chez les bouquinistes. Avec un peu de chance, il pourrait tomber sur un superbe La Chine dans un miroir (La Guilde du livre, 1953), ses Clefs pour la Chine (1953) ou, ce qui ne m'est toujours pas arrivé, Le Voyage en Chine (1965), Histoires et légendes de la Chine mystérieuse (1969), voir le plus récent opus consacré à Su Dongpo (1037-1101), L'Ami qui venait de l'an mil (Gallimard, "L'un et l'autre", 1994).


Dans une note critique consacré à Sur la Chine, Simon Leys (La forêt en feu, 1983) écrivait ceci : "Alors que toute notre intelligentsia a versé des flots d'encre à propos de la Chine, il est significatif de noter que deux hommes seulement - Etiemble tout récemment (Quarante Ans de mon maoïsme, Gallimard, 1976) et maintenant Claude Roy - peuvent fièrement remettre aujourd'hui sous les yeux du public ce qu'ils écrivaient hier sur ce sujet", et il continuait " Quant aux autres, l'idée de réimprimer leurs essais chinois ne pourrait venir qu'à leurs ennemis - si cruelles que puisse être une telle initiative, il faudra quand même que quelqu'un se charge un jour de compiler ces tristes anthologies-là !". Le propos est toujours juste en cette année 2005, année qui voit justement la réédition du Des chinoises (1974) de Julia Kristeva (Pauvert, 2005).

Ayant eu le bonheur de tomber récemment sur un exemplaire des Clefs pour la Chine (44e édition, 1959) pour 5 € seulement (!), je tenais à faire partager mon plaisir face à certains passages particulièrement savoureux.

L'ouvrage date de 1953 (Gallimard, 353 pages). Claude Roy l'a publié à son retour d'un voyage dans le pays qu'il rêvait de visiter depuis qu'enfant, à douze ans, il avait lu Les tribulations d'un Chinois en Chine de Jules Verne. Il est dédié à "Kuo Mo-Jo [Guo Moruo (1892-1978)] de Chine et à Yves Farge [(1899-1953)] de France".

Les deux (premiers) extraits sont tirés su chapitre II : "Le quart des hommes vivants". Ils donneront une petite idée de l'humour piquant de ce texte qui était "animé par deux sentiments chalereux : l'amitié pour les Chinois, et l'espoir dans leur révolution", pour emprunter à nouveaux à Simon Leys.

II.2 : Les Français ont peut-être quelques raisons d'orgueil : mais sûrement pas celle qui consisterait à répéter allègrement : nous ne sommes que quarante millions. L'important, ce n'est pas le total qu'additionne le statisticien, mais la valeur de chacune des unités qu'il brasse. La Chine est un des pays où la densité d'habitants est la plus grande. Je sais désormais que c'est aussi un des pays où la qualité humaine est la plus dense. Le monde est sauvé par les meilleurs. Tant mieux s'ils sont des millions. Des milliards. Etre beaucoup, ce n'est pas un péché originel.

II.3 : La psychologie des peuples est une sorcellerie péremptoire. Elle procède comme les oracles : par affirmations sans clefs. Il est entendu que le Chinois (le Chinois) est un magot pansu, fataliste, indifférent aux supplices et à la mort, qui prolifère, se nourrit de riz, de thé et d'opium, hait les étrangers, vend ses enfants à bas prix, etc. Les voyageurs compulsent gravement le petit Dictionnaire des idées reçues sur la Chine, où ils vont puiser toute leur science. J'en reconstitue quelques articles sans effort : ACUPUNCTURE : Supplice chinois et médical : aiguilles qu'on enfonce dans le nez pour chatouiller la rate. BAMBOU : Arbre utilisé par les : I° peintres (voir ART) ; 2° bourreaux (voir SUPPLICES) ; 3° fabricants de paravents (voir ARTISANS). BRIGANDS (Tous les Chinois sont des -). COOLIES (Tous les Chinois sont des -). DETECTIVES (les Chinois qui ne sont ni brigands, ni coolies, ni mandarins sont détectives. Cf. Le Mystérieux Docteur Fu Man Chu). JAUNE (Le Péril -). KIDNAPPING, du Chinois KHI-DNHAH-PING : Sport national chinois. MANDARINS (les Chinois qui ne sont ni brigands, ni coolies, ni cuisiniers, ni blanchisseurs, ni détectives sont -). PAGODE : Habitation usuelle des Chinois. PALANQUIN (Les Chinois se déplacent en -). PIEDS (Les Chinois ont de petits -). REBELLES (Les Chinois qui ne sont ni brigands, ni coolies, ni cuisiniers, ni blanchisseurs, ni détectives, ni mandarins sont -) Voir PAVILLONS NOIRS, TAÏPING, ROUGES, etc.) VIE HUMAINE (Les Chinois sont indifférents à la -).
Il est sans doute plus prudent de poser comme définition première des Hans un signalement anthropométrique aussi précis et sec que possible : branche de la race mongole, brachycéphales, peau jaune, cheveux noirs, barbe peu développée, yeux noirs remontant obliquement vers les tempes, larges narines, visage rond, taille petite, un peu plus élevée dans le Nord, etc.

jeudi 19 mai 2005

Opération Confucius

Lors du "Point presse" du 11 mai 2005, au cours duquel il a présenté son "Plan d'action sur la lutte contre l'immigration irrégulière", Monsieur le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales a évoqué les succès déjà remportés par la coopération européenne dans le cadre de l'"Opération Confucius" !
Intrigué, j'ai cherché à en savoir un peu plus sur cette opération placée sous le patronage du grand penseur humaniste.

Curieusement, le web n'est guère prolixe sur cette arme prometteuse. La seule référence précise trouvée à ce jour est fournie par Any Bourrier dans une intervention mises en ligne le 3 mai dernier après sa diffusion sur Radio France Internationale.
La journaliste rappelle à juste titre qu'en France, "l’immigration clandestine en provenance de la Chine a explosé ces dernières années. Les ressortissants chinois sont aujourd’hui la première nationalité représentée dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy. En 2003, sur près de 12 000 étrangers arrêtés à la frontière 4 000, soit environ 35%, provenaient de l’Empire du milieu.
Pourquoi des Chinois ? Parce que, malgré une croissance annuelle de 9%, le développement économique de la Chine a cassé les anciennes structures qui garantissaient un minimum vital pour les salariés. La transition à l’économie de marché a ainsi engendré une forme d’immigration issue des couches sociales qui ont perdu leur travail en raison de la fermeture des entreprises d’Etat déficitaires.
Cette immigration inquiète particulièrement les autorités françaises. L’économie souterraine développée par une partie de la communauté chinoise est source d’évasion fiscale dont le montant donne le vertige aux responsables du Budget. Les enquêtes les plus récentes ont démontré qu’environ 500 000 euros prendraient chaque jour le chemin de la Chine en empruntant des trajets bancaires complexes ou clandestins. Selon le ministère de l’Intérieur, à l’origine de telles sommes, on trouve des membres de la communauté chinoise de France, forte de 300 000 personnes.
L’ancien Ministre de l’Intérieur Nicolas
Sarkozy s’est concerté avec Pékin pour combattre ce fléau. En 2003, lors de son voyage officiel en Chine, il a signé deux accords de coopération policière avec les autorités chinoises afin d’améliorer la lutte contre le crime organisé.
Mais les mafias originaires de Chine ne sévissent pas qu’en France. Leur implantation est aujourd’hui européenne. Surnommées les
Triades, elles ont fait du Vieux continent leur terrain privilégié pour y exercer toute sorte d’activités illicites : trafic de drogue, prostitution, jeu et, désormais, le contrôle des filières de l’immigration clandestine. Parmi elles, la 14K, d’origine cantonaise ou la Sun Tee On, la plus grande organisation clandestine de Hong Kong. La puissance de ces gangs aux ramifications internationales s’étend dans les «Chinatowns» de tout le continent. De Londres à Paris, en passant par Amsterdam, Madrid ou Berlin, pas une grande capitale européenne n’échappe à leur emprise.
Aujourd’hui, l’Europe dispose d’un plan de lutte contre les
Triades qui s’appelle «Opération Confucius». Mais la lutte contre leurs dérives sera complexe car l’une des caractéristiques de ces sociétés secrètes est leur opacité."

Il me semble que pour obtenir les résultats souhaités l'opération aurait dû se placer sous une autre bannière. Je propose de remplacer l'humaniste Confucius par le légiste Shang Yang (mort en 338 av. J.-C. et humoristiquement croqué ici par les dessinateurs de Qi Cartoon) et dont les écrits (Shangjun shu) sont à nouveau disponibles dans la traduction de Jean Lévi (1981) sous le titre Le Livre du Prince Shang (Flammarion, 2005).

dimanche 15 mai 2005

Kong Back Home

Voici quelques courts extraits d'un assez long article intitulé "Passion pour les classiques" mis en ligne le 30 novembre 2004 sur le site de CRI Online (Radio Chine Internationale) qui traite de l'extraordinaire renouveau des études confucénnes en Chine :

Wang Zhengxin, un écolier de 5e année de l'école primaire de Xueyuanlu à Beijing, s'intéresse beaucoup à la récitation des livres classiques. « C'est vraiment amusant », dit-il avec un sourire. Croyez-le ou non, le garçonnet peut réciter le texte de 1 700 caractères La Grande Étude en huit minutes et sans erreur. (-) « Je peux non seulement le réciter, mais aussi le comprendre dans l'ensemble », dit-il avec fierté.
À l'école de Wang, 300 de ses camarades peuvent aussi réciter des classiques écrits en chinois ancien, difficile à comprendre même pour les adultes. Jin Yuzhu, directrice des études, a dit que depuis quatre ans son école encourage les élèves à mémoriser des textes anciens célèbres. L'année dernière,
Les Analectes de Confucius et La Grande Étude ont été officiellement adoptés comme manuels pédagogiques. (/)
Des programmes semblables sont ouverts à Guangzhou, capitale de la province du Guangdong, en Chine du Sud. Une série de cours libres sur les classiques chinois ont été organisés dans l'arrondissement Yuexiu, à l'intention des enfants de 2 à 5 ans. Le plus âgé a 10 ans.
Les Analectes de Confucius, La Grande Étude, Le Vieux Maître [sic !] et le Classique de la Piété filiale sont les manuels au programme. Bien que les enfants soient incapables de les comprendre, ils déclament avec intérêt les textes à haute voix avec le professeur.
La fille de Li Wuming, la plus jeune de la classe, a deux ans et deux mois. À partir d'un an et huit mois, sa mère l'a amenée au cours. À la maison, la fille regardait aussi des vidéos liés aux classiques. Ainsi, elle absorbait des classiques trois à quatre heures par jour. Peu après, sa mère a remarqué que sa capacité d'expression en chinois était beaucoup meilleure que chez les autres enfants du même âge. Maintenant, elle projette de lui laisser suivre le cours plutôt que de l'envoyer au jardin d'enfants.
D'après Sun Yunxiao, directeur adjoint du centre d'études sur les enfants de Chine, les enfants peuvent facilement mémoriser les textes, même s'ils ne les comprennent pas complètement. Ils en bénéficieront pendant toute leur vie.
Néanmoins, quand on demande si les enfants montrent un intérêt particulier au cours, la plupart des parents admettent qu'ils doivent les pousser.
« Ce serait mieux si nous pouvions éveiller le véritable intérêt des enfants », dit Shen Heyong, tuteur de postulants au doctorat en psychologie appliquée à l'Université normale de la Chine du Sud. « Réellement, beaucoup d'articles anciens sont très rythmiques et donc faciles à mémoriser. Comme chanter, lire de tels textes peut être amusant. Une fois qu'ils trouveront la récitation des classiques intéressante, ces enfants s'adonneront de leur propre chef. »

samedi 14 mai 2005

Confucius BB


En attendant de savoir ce qui se trame sur le site (*) fort surprenant du Dr Thomas Kang, President du Center for Confucian Science, qui va ouvrir une nouvelle rubrique intitulée "Confucius History" laquelle présente déjà sur sa page d'accueil, un programme à trois niveaux "Yesterday", "Today" & "Tomorrow", je vous propose une petite devinette.

Quel rapport existe-t-il entre Confucius, Clemenceau, William S. Paley (fondateur de CBS), Ed Sullivan (Star de la TV américaine), l'écrivain anglais Sir Stephen H Spender, Marcello Mastroianni, la pulpeuse Brigitte Bardot, et l'actrice américaine Gwyneth Paltrow ?

Les plus impatients peuvent trouver la solution en cliquant sur le point d'interrogation : ? ou se mettre sur la piste en lisant l'article intitulé "Bon anniversaire, Monsieur Confucius".

(*) Dans les pages, déjà nombreuses, mises à disposition par ses soins, Dr Kang n'hésite pas à présenter Confucius sous l'angle du "prophète" et le confucianisme comme "the Science of God" .
Nous conseillons donc d'aborder ce site qui semble s'adresser avant tout à ceux qui voudraient "trouver la voie pour sauver le monde de sa totale auto-destruction" avec beaucoup de précautions ou bien, tout simplement, dans sa version coréenne.

vendredi 13 mai 2005

Another Day on Earth

Des nouvelles du dernier enregistrement de Brian Eno sur l'Enoweb (10 mai 2005) :

Michael Engelbrecht from Deutschlandfunk was blessed with an early promo version of Another Day on Earth and has kindly sent us the first review. So what's the verdict?
"When you've waited so long for a pure (nearly pure) song album by one of your favourite singers, you can easily end up disappointed. Not in this case.
Another Day On Earth doesn't have even a weak or average second. It is full of wonder, mystery, melodies, textures (rich, surprising), it has great lyrics (playful, profound, touching), a kind of non-linear plot and a thrilling ending (with one of the most shocking final pieces in the history of rock music).
"There are nine songs and two pieces with spoken (female) voices. The album has a perfect sequence; Brian's old song 'Under' (which is, by the way, one of his greatest ever-recorded songs, and was a bit 'buried' in his vocal box, and thus only known to the happy few) finds a perfect place near the end of
Another Day On Earth. Some of Brian's occupations with time (and bells) have a subtle influence on this masterpiece as well. And if some people are now thinking, this might be a bit too much praise - well, dear readers, let me tell you, this was an exercise in understatement!"

Curieusement, la photo de la pochette montre une rue chinoise et une de ces petites superettes qui ferment tard le soir. La terre serait-elle en train de devenir "chinoise" ?

Complément du 03062005

Un site permet d'en savoir plus sur l'album, avec des extraits, photos (essentiellement prises en Chine !), interview ...


La page de navigation :


L'Enoweb fournit les paroles des onze "chansons". Voici la dernière, la plus surprenante (cf. plus haut : "the most shocking final pieces in the history of rock music").

Bone Bomb

my body so thin so tired beaten for years ploughshare to bomb so hard bone bomb bone bomb bone bomb my town so dusty so dry buildings pushed over lives heaped together young girls dreaming of beautiful deaths popstar pictures above their beds above their heads troops everything stolen except my bones now I am only bone I waited for peace and here is my peace here in this still last moment of my life

Deux mots d'explication sur ce texte trouvés dans un entretien donné par BE à Robert Sandall, "The quiet man of pop rocks out"

The most striking track on the album, Bone Bomb, is based on two newspaper articles he came across - one the confessions of a young female suicide bomber, the other an account by an Israeli doctor of how the bones of the bombers get turned into shrapnel by the explosion. "I was just trying to understand what might be in someone's mind when they do something like that," he says, modestly.

It's an extraordinary piece of music from a man who has a confession to make. "I hate talking about music, to tell you the truth. If I'm not listening to it, or doing it, I'm thinking about something else. Once an album's done, I don't want to hear it for the next six years." In short, music is a gateway for Eno, rather than a destination.

mardi 10 mai 2005

A la pointe de l'épée

Le 11 avril 2004, le Quotidien du peuple online révélait la découverte d'un autographe de Confucius et en fournissait une photo (reproduite ci-contre).

Voici le texte de l'article intitulé "Découverte d'un autographe de Confucius dans le Henan"

Si tout le monde en Chine connaît la doctrine immortelle créée par Confucius, par contre très peu de personnes savent qu'il a laissé des autographes.

Dans le temple dédié à Bi Gan, municipalité de Weihui, Henan du Nord, se trouve la sépulture de Bi Gan, "Maître majeur" de la dynastie des Yin et réputé le premier grand dignitaire qui ai sacrifié sa vie pour avoir osé critiquer le roi dans l'histoire de Chine. Confucius amena ses disciples se recueillir sur le tombeau de Bi Gan et grava sur une pierre, à la pointe de son épée, quatre idéogrammes signifiant "Tombe de Bi Gan des Yin". On dressa cette pierre devant la tombe.

Les experts sont d'avis que c'est l'unique autographe authentique de Confucius découvert dans le pays.

Les citations du chef

Qui ne connaît l'intérêt que notre Président porte à la culture de la Chine ancienne ? Les citations suivantes prouveront à ceux qui en doutaient qu'il en maîtrise plus que des rudiments, mais la pratique avec, il est vrai, une certaine candeur.
Extrait du discours prononcé à l'Ecole Nationale d'Administration Chinoise (Pékin, R.P.C.), le vendredi 16 mai 1997 :

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honoré d'être le premier chef d'Etat invité à s'exprimer dans cette prestigieuse enceinte et de pouvoir ainsi m'adresser aux responsables de demain qui contribueront à faire entrer la Chine dans le prochain millénaire.
Car c'est vous, Mesdames et Messieurs, qui poursuivrez le changement et conduirez les réformes grâce auxquelles la Chine, qui s'ouvre au monde, sera l'une des plus grandes puissances de demain. Et c'est notamment ici, dans cet établissement, que votre pays prépare l'avenir. (/)
Je suis venu vous dire que la France, comme vous le souhaitez, accompagnera et soutiendra le mouvement historique engagé par votre pays. Et d'abord en donnant toute son ampleur à la coopération que nous avons su nouer dans les domaines administratif et juridique.
Nos expériences respectives de l'Etat, nos anciennes traditions, cette véritable culture de la chose publique sur laquelle se sont bâtis nos deux pays, sont autant de raisons de nouer un partenariat exemplaire dans ce domaine.
Comme la France, mais tant de siècles avant elle, la Chine s'est dotée d'une administration d'Etat, structurée et efficace. Ainsi votre pays a-t-il, le premier, inventé la fonction publique.
Il y a vingt cinq siècles, vos grands penseurs posaient la question de la morale dans l'exercice de l'autorité. Les premiers, ils parlaient de l'humanité et de la bienveillance en politique. La création du mandarinat ; celle, sous les Han, du grand collège de Luoyang, lointain ancêtre de votre Ecole nationale d'administration d'aujourd'hui ; l'instauration, sous la dynastie des Tang, des examens impériaux, dotaient la Chine d'un corps de fonctionnaires lettrés, recrutés sur la base de leurs seuls mérites, loyaux, dévoués aux institutions de l'Etat, au bien commun et à la justice, et responsables de leurs actes.
L'institution millénaire du censorat , l'instrument de contrôle administratif le plus ancien au monde, vigilant aux dérives de l'autorité, a, depuis longtemps, et à juste titre, assuré la renommée de l'administration chinoise bien au-delà de vos frontières.
Et comment ne pas évoquer la figure du juge chinois, magistrat intègre, s'appuyant sur un véritable code pénal dès les premiers âges de l'Empire ?
N'est-ce pas là déjà le propre d'un Etat moderne où, pour emprunter à Montesquieu, " le pouvoir arrête le pouvoir " ?
Cet héritage vous oblige. " Revenir sur les choses anciennes et en apprendre de nouvelles " disait Confucius. Ce sera votre tâche, Mesdames et Messieurs. Vous aurez à coeur, j'en suis convaincu, de servir la Chine, de la faire entrer dans la modernité, dans la fidélité à la sagesse et à l'expérience des Anciens.

Extrait de l'allocution devant les étudiants de l'Université Tongji, Shanghai, le 11 octobre 2004 :

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de l'université,
Mesdames et Messieurs les doyens et professeurs,
Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs les étudiants,
Permettez-moi de remercier Monsieur M. Wen Gang, Président de l'Université de Tongji, pour son accueil chaleureux, et pour ses paroles de bienvenue. Merci aussi aux enseignants, aux étudiantes et aux étudiants, dont le talent fait la fierté de cette grande Université de Tongji qui contribue beaucoup à l'amitié entre la Chine et la France.
S'exprimer devant l'une des plus prestigieuses universités de Chine est pour moi un honneur. En effet, peu de pays ont élevé depuis si longtemps et à de tels sommets le savoir et le goût des lettres et des sciences.
Dès les premiers récits des grands voyageurs, la richesse et la puissance de la civilisation chinoise ont exercé, bien au-delà du continent asiatique, une fascination que le temps n'a jamais démentie.
L'imagination ne pouvait qu'être frappée par la singularité des artistes et des artisans de Chine dont les oeuvres alliaient les innovations les plus audacieuses aux esthétiques les plus raffinées. Il y avait là bien plus que le mystère qui entoure les univers longtemps méconnus. Il y avait surtout l'étonnement et l'admiration qu'imposent les créations qui révèlent le génie d'un peuple et marquent de leur empreinte décisive l'histoire de l'humanité.
Il faut à cet égard rendre hommage à toutes celles et à tous ceux, artistes et savants, qui se sont attachés, au fil des siècles, à mieux faire connaître ce patrimoine exceptionnel, contribuant ainsi à la connaissance et à l'indispensable dialogue entre les peuples.
Faut-il voir, comme le voudraient les annales traditionnelles, dans ce puissant mouvement de l'histoire de la Chine, un grand cycle qui se répète avec un temps de morcellement territorial, suivi d'une phase brève et austère de redressement national, débouchant sur une troisième période de longues années de progrès et de bien-être ?
S'il en est ainsi, on peut escompter, au seuil du IIIème millénaire, un nouvel apogée. Seule la Chine, avec près de dix millénaires d'histoire attestée par l'archéologie, est en mesure de confirmer cette hypothèse. (/)
Chers amis,
Vous êtes investis d'une responsabilité singulière : accomplir chacun votre destin, trouver les voies de votre épanouissement personnel, mais aussi répondre aux espoirs que votre grande nation place en vous pour construire la Chine de demain. Cette Chine qui regroupe le cinquième des habitants de notre planète, et dont il vous appartiendra de mettre le poids immense au service d'un monde plus fraternel, plus solidaire, un monde équilibré et en paix.
La France se tient à vos côtés. Que nos deux pays trouvent les voies d'un partenariat toujours plus étroit, tel est mon voeu le plus cher. Je compte sur chacune et chacun d'entre vous pour porter cet esprit de respect et d'amitié entre la Chine et la France. Mes voeux les plus chaleureux de réussite personnelle vous accompagnent.
Je vous remercie toutes et tous pour votre accueil. Dans les
Entretiens de Confucius, il est dit : "une conversation avec vous vaut plus que dix ans d'études". Alors, passons à la conversation.

lundi 9 mai 2005

Confucius virtuel

Grâce à China-News, site d'informations chrétien sur la Chine, je découvre ce soir (soit avec plus d'un an de retard !), qu'
"Un site Internet consacré à Confucius et au confucianisme a été lancé hier [à savoir le 27 avril 2004] par la commission d'Etat de la Culture [de la République de Chine] qui souhaite raviver l'intérêt pour le maître et sa pensée.
Conçu comme un « temple virtuel » dédié à celui qui est toujours considéré ici comme « le premier des enseignants », le site bilingue anglais-chinois,
confucius.cca.gov.tw, entraîne le visiteur à travers les cours et les salles du temple confucéen de Tainan, qui fut érigé en 1665 sous Zheng Jing.
Une narration permet de suivre les grandes étapes de la vie du philosophe né en 551 avant J.-C. dans la principauté de Lu. Le site contient également une mine d’informations sur les préceptes du sage et le sens des rites confucéens.
Les enfants y trouveront même un espace jeux sonore les emmenant dans un tour ludique et éducatif du temple de Tainan."

dimanche 8 mai 2005

La boisson des gardes rouges

Nino Ferrer, Mao et moa

今天你好不好 ? 毛毛,中X, 大号, 中X, 哪里巴黎 ? 哪里北京 ? 那 ! 都要快快去 ! 如果法国朋友, 要XX快地XXXXX 多不 一样 ! Si je suis rapide et rusé, Quand je fais mes Mao croisés, Me disait un esquiMao, C'est grâce à la pensée de Mao. S'il est vrai que plaisir d'amour, Ne dure qu'un Maoment très court, Moa je dis qu'un bon Maoment Vaut bien deux cornes d'éléphants. C'est Moa que j'suis pour Mao contre Liou Chao-Chi, J'ai mon bréviaire de Révolutionnaire ; Dans tous les bouges, Moa je bois des Quarts de rouge. Le quart de rouge, c'est la boisson du garde rouge. 丁丁我来了 ! 如果我到北京去, 我从法国要来了 ! 我的朋友要等我 ! XXXXX有没有XXX Lorsque je dîne avec Thérèse, Je prends des oeufs durs Maonaises ; Thérèse prend un gelati Maotta, Le chat prend du Maou pour les chats. Le dimanche en Automaobile, On va visiter la Sicile Ses plages et ses Maonuments, Quand on rentre on est bien content. C'est Moa que j'suis pour Mao contre Liou Chao-Chi, J'ai mon bréviaire de Révolutionnaire. Dans tous les bouges, Moa je bois des Quarts de rouge. Le quart de rouge, c'est la boisson du garde rouge. Si j'aime bien la marche à pied, C'est à cause de la société Protectrice des Animao Qui protège mon Chamao. Si la chromolithographie Engendre la Maonotonie, La Maontagne ça a du bon Et c'est normal car c'est Normaond. Monsieur Maorice a été maordu Par un guitariste barbu. Monsieur Maorice est Maoribond, Gai gai dansons le rigodon....

X = caractère impossible à identifier.

Bonus : la version espagnole grâce à Youtube



Le Saint Paul chinois

Le fonds d'ouvrages numérisés de la BNF permet de consulter un bien curieux ouvrage dans lequel son auteur Simon FOUCHER (1644-1696) propose sa version très personnelle de la philosophie de Confucius. Il débute sa Lettre sur la morale de Confucius, philosophe de la Chine (Paris, Daniel Horthemels,1688, 29 p.) par un petit préambule dont voici un aperçu :

Monsieur, le présent que je vous fais ne saurait manquer de vous être agréable. Vous aimez les bonnes maximes de Morale : en voici des meilleures et des plus solides. Si le lieu d'où elles viennent les pouvait rendre plus considérables, elles le feraient à cause de son éloignement. Ce sont des Perles ou des Pierres précieuses de la Chine, et quelque chose de plus grand prix, parce qu'il n'y a rien de comparable aux trésors de la Sagesse. (-) Je pourrais dire la même chose à l'égard de leur Antiquité, si la vérité n'était de tout temps, et si on pouvait penser que ces Maximes, pour être plus anciennes en fussent aussi plus véritables et plus solides. Confucius de qui on les a tirées a vécu 500 ans avant la naissance temporelle de Jésus-Christ, et ce Sage Chinois disait les avoir reçues des Anciens comme par tradition, de sorte que l'on pourrait non seulement les rapporter à Noë (un de ses Fils s'étant établi dans l'Orient) mais encore aux Patriarches avant le Déluge, et enfin au premier homme, pour ne pas dire à Dieu même qui est le Père de toutes les lumières, Omne donum perfectum de sursum est descendens a Patre luminum. Cependant admirons la Providence divine qui a donné à toutes les Nations de la Terre, des enseignements et des Maîtres pour les conduire. (-) Nous en avons ici un témoignage bien assuré. On voit chez Confuicus comme un rayon ou une ombre du Christianisme, et aussi un abrégé de tout ce que les Philosophes avaient reconnu de plus solide en matière de Morale. Son Principe est que l'homme étant déchu de la perfection de la nature, se trouve corrompu par des passions et par des Préjugés ; de sorte qu'il est nécessaire de le rappeler à la droite raison, et de le renouveller. Ne semble-t-il pas que nous entendions St. Paul qui nous dit Renovamini spiritu mentis vestra et induite novum hominen, qui secundum Deum creatus est in justitia et sanctitate veritatis. Si la volonté de l'homme est bien réglée, dit notre Philosophe, il ne fera que de bonnes actions, et si son entendement est dans la rectitude qui lui convient, sa volonté ne manquera pas d'être bien réglée. (/) D'autre part, St paul dit que les hommes sont éloignés de la voie de Dieu par leur ignorance (-) ; il n'y aurait donc qu'une chose à faire, savoir, de porter notre esprit à la connaissance de la vérité ! (/) Au reste, Monsieur, ces enseignements ne sont pas seulement bons pour des gens de la Chine, mais je suis persuadé qu'il y a peu de Francais qui ne s'estimât fort sage et fort heureux, s'il les pouvait réduire en pratique. Vous en jugerez par vous-même, je vais les rapporter suivant l'ordre de ses Livres.

Les (-) indiquent des coupures qui touchent des sentences latines ; les coupes plus longues sont marquées par des (/).

Les Chinois des Italiens

Les Chinois est une comédie en Cinq actes, "mise au théâtre par messieurs Regnard et du F****, et représentée pour la première fois par les comédiens Italiens du Roi, dans leur hôtel de Bourgogne, le treize de Décembre 1692".
C'est ce qu'on apprend sur le site Textes rares qui fournit des "témoignages sur le monde de l'édition du XVe au XIXe siècle", soit "plus de 3000 images et 200 textes en ligne". Cette comédie est incluse dans l'ouvrage intitulé Le théâtre italien de Gherardi, ou le recueil général de toutes les Comédies & Scènes jouées par les Comédiens Italiens du Roi, pendant tout le temps qu'ils ont été au service. Enrichi d'estampes en taille douce à la tête de chaque Comédie, & des airs gravés-notés à la fin de chaque volume. (Tome quatrième. Edition nouvelle revue avec beaucoup d'exactitude, A Paris, chez Briasson, rue Saonit-Jacques, à la Science, & à l'Ange Gardien, 1741. In-8, 557 p.).
Les reproductions mises à disposition nous permettent de reconstituer un des airs, paroles et musique, de cette comédie oubliée. Voici donc un (des) "Air(s) des Chinois" :

Par mes discours doux et flateurs, je porte l'amour dans les coeurs et j'attendris la plus cruelle ; mais à parler de bonne foi, l'argent pour réduire une belle est encore plus puissant que moi. L'argent, l'argent pour réduire une belle est encore plus puissant que moi. Le soleil vagabond jamais ne se repose, il va toujours de maison en maison : que de maris feraient la même chose, s'il leur était permis de changer de prison. Mais d'un Epoux la demeure est certaine, quelque chemin qu'il prenne, qu'il aille, qu'il vienne, son ascendant toujours l'entraine loger au croissant. Je viens expres de Congo pour boire en tire la-ri-go du vin de Normandie, car dans ce temps ici. Rouen vaut bien Tussy. Dans le combat, je suis un Diable, mon nom de guerre est la fureur, mais chez un hôte un peu traitable, je suis par bonté surnommé la Douceur. Pourvu qu'il me laisse égorger sa volaille, vider sa futaille, emporter son manteau, je suis doux comme un agneau.

vendredi 6 mai 2005

Le Socrate de la Chine

Le Département de Formation aux Métiers du Livre et de la Documentation de l'Université de Lille 3 fournit sur son site internet des extraits de l'Article "Bibliothèque" in Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres. Mis en ordre & publié par M.DIDEROT, de l'Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres de Prusse : & quant à la PARTIE MATHEMATIQUE, par M.D'ALEMBERT, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Prusse, & de la Société Royale de Londres. Paris ; Neuchâtel : 1751-1772. (T. 2, p.228-240). Je reproduis ici le passage consacré à la Chine, passage dans lequel il est noté que Confucius fut souvent appelé "le Socrate de la Chine" :

Il est certain que toutes les Nations cultivent les Sciences, les unes plus, les autres moins ; mais il n'y en a aucune où le savoir soit plus estimé que chez les Chinois. Chez ce peuple on ne peut parvenir au moindre emploi qu'on ne soit savant, du moins par rapport au commun de la nation. Ainsi ceux qui veulent figurer dans le monde sont indispensablement obligés de s'appliquer à l'étude. Il ne suffit pas chez eux d'avoir la réputation de savant, il faut l'être réellement pour pouvoir parvenir aux dignités & aux honneurs ; chaque candidat étant obligé de subir trois examens très-sévères, qui répondent à nos trois degrés de bachelier, licencié, & docteur.
De cette nécessité d'étudier il s'ensuit, qu'il doit y avoir dans la Chine un nombre infini de livres & d'écrits ; & par conséquent que les gens riches chez eux doivent avoir formé de grandes bibliotheques.
En effet, les historiens rapportent qu'environ deux cents ans avant J.C. Chingius, ou Xius, empereur de la Chine, ordonna que tous les livres du royaume (dont le nombre étoit presqu'infini) fussent brûlés, à l'exception de ceux qui traitoient de la médecine, de l'agriculture, & de la divination, s'imaginant par-là faire oublier les noms de ceux qui l'avoient précédé, & que la postérité ne pourroit plus parler que de lui. Ses ordres ne furent pas exécutés avec tant de soin , qu'une femme ne pût sauver les ouvrages de Mentius, de Confucius surnommé le Socrate de la Chine, & de plusieurs autres, dont elle colla les feuilles contre le mur de sa maison, où elles resterent jusqu'à la mort du tyran.
C’est pour cette raison que ces ouvrages passent pour être les plus anciens de la Chine, & surtout ceux de Confucius pour qui ce peuple a une extrême vénération. Ce philosophe laissa neuf livres qui sont pour ainsi dire, la source de la plûpart des ouvrages qui ont paru depuis son tems à la Chine, & qui sont si nombreux, qu'un seigneur de ce pays (au rapport du P. Trigault) s'étant fait Chrétien, employa quatre jours à brûler ses livres, afin de ne rien garder qui sentit les superstitions des Chinois. Spizelius dans son livre
de re litteraria Sinensium, dit qu'il y a une bibliotheque sur le mont Lingumen de plus de 30 mille volumes, tous composés par des auteurs Chinois, & qu'il n'y en a guere moins dans le temple de Venchung, proche l'Ecole royale.

L'expression apparaît chez Fénelon (1651-1715), alias François de Salignac de La Mothe, qui a fait dialoguer Confucius et Socrate, dans le septième de ses Dialogues avec les morts composés pour l'éducation d'un prince (1692), dont voici le début :

Confucius : J'apprends que vos Européens vont souvent chez nos Orientaux, et qu'ils me nomment le Socrate de la Chine. Je me tiens honoré de ce nom.
Socrate : Laissons les compliments, dans un pays où ils ne sont plus de saison. Sur quoi fonde-t-on cette ressemblance entre nous ?
Confucius : Sur ce que nous avons vécu à peu près dans les mêmes temps, et que nous avons été tous deux pauvres, modérés, pleins de zèle pour rendre les hommes vertueux.
Socrate : Pour moi, je n'ai point formé, comme vous, des hommes excellents, pour aller dans toutes les provinces semer la vertu, combattre le vice et instruire les hommes.

On peut le lire dans une version numérisée des Dialogues sur le site de la BNF ou dans le choix réalisé par Jacques Gaillard pour Actes Sud (collection "Babel" n° 108, p. 40-54) et les savants commentaires d'Etiemble qui consacra le chapitre XXII de son Europe chinoise, Tome I. De l'Empire romain à Leibniz. (Paris : Gallimard, "Bibliothèque des Idées", 1988, p. 321-334), à "Fénelon et la Chine (D'après Socrate et Confucius)". En voici la conclusion :

Intéressante, en somme, et contradictoire, la thèse de Fénelon en ce dialogue des morts ! Agacé par la sinophilie des jésuites et des humanistes, il leur reproche de n'être point assez philosophes, et d'accepter comme autant de vérités toutes les fables à la mode ; en quoi il avait grandement, sinon tout à fait raison. Mais par réaction contre ce zèle indiscret, il oublie la prudence qu'il commande à ceux qu'il critique, et dénigre la Chine avec autant de passion que ceux-là en gaspillent à la louer sans mesure. Plus "philosophe" en un sens que les "philosophes", en l'autre sens il l'est beaucoup moins qu'eux. Bayle tirait à soi le P. Le Gobien ; Fénelon, qui connaît les ouvrages du P. Le Comte, y néglige ce qui trop évidemment contredit son préjugé. Si telles sont les faiblesses de deux hommes exceptionnels par l'intelligence, imaginez qu'elle Chine alors se représentent les médiocres ! Tâchez plutôt de ne pas l'imaginer. (p. 334)

Du reste, il semblerait que la comparaison de Confucius avec Socrate soit antérieure au dialogue de Fénelon. On la trouve, en effet, dans un texte de François de La Mothe Le Vayer (1588-1672) dont le titre est De la vertu des paîens (1641) (Paris : Augustin Courbé, 1647), également accessible dans le fonds numérisé de la BNF. La seconde partie porte un chapitre intitulé "De Confutius, le Socrate de la Chine" (p. 228-239) qu'analyse finement Etiemble (op.cit., p. 268-279).

Toutes les histoires que nous avons d'eux conviennent en ce point, que le plus homme de bien, et le plus grand Philosophe qu'ait vu l'Orient, a été un nommé Confutius Chinois, dont ils ont la mémoire en telle vénération, qu'ils élèvent sa statue dans des Temples, avec celles de quelques-uns de ses disciples. Ce n'est pourtant qu'ils le tiennent pour un Dieu, ni qu'ils l'invoquent en leurs prières ; mais ils pensent qu'après le Souverain Etre, l'on peut ainsi révérer les grands personnages qu'ils croient Saints et dont ils font une espèce de demi-Dieu. Entre plusieurs circonstances de la vie de ce Philosophe, il y en a deux ou trois qui me font dire, qu'on le peut fort bien nommer le Socrate de la Chine. La première regarde le temps auquel il a paru dans le monde, qui ne se trouvera guère différent de celui du vrai Socrate des Grecs. Car si la naissance de Confutius n'a précédé celle de notre Seigneur que de cent cinquante et un an, selon la supputation du Père Trigaut, Confutius ayant vécu plus de soixante et dix ans, il y aura peu à dire que le temps de sa mort n'arrive à celui de la génération de Socrate. D'où il s'ensuit qu'un même siècle fit voir à la Chine et à la Grèce les deux plus vertueux hommes de toute la Gentilité. Ils ont encore cela en commun entre eux, que l'un et l'autre méprisèrent les sciences moins utiles pour cultiver très soigneusement celles des moeurs qui nous touchent de près. De sorte qu'ont peut dire que Confutius fit descendre aussi que Socrate la philosophie du Ciel en terre, par l'autorité qu'ils donnèrent tous deux à la Morale, que les curiosités de la Physique, de l'Astronomie, et de semblables spéculations avaient presque fait mépriser auparavant. (p. 230-231)

mercredi 4 mai 2005

Compléments ésotériques

Le 29 octobre 2003, la version française du Quotidien du Peuple (Renmin ribao) online consacrait un article (toujours accessible) au "Vernissage de l'exposition sur Confucius au Musée Guimet (Paris)". L'événement avait lieu dans le cadre des années croisées entre la Chine et la France et devait contibuer à "aider à mieux faire connaître le confucianisme en vue de promouvoir la compréhension mutuelle et l'amitié entre nos deux peuples" dixit le Ministre de la culture de l'époque. Voici ce qu'on peut lire sous la plume maladroite d'un rédacteur anonyme.

Une telle exposition attire l'attention de nombreux Français qui vénère le Confucius et sa doctrine et culture. Avec un grand intérêt, les visiteurs posent devant sa gracieuse statue en pierre sculptée sous la dynastie des Han, lisent ses citations pénétrantes, admirent les objets précieux et regardent un court-métrage et des photographies anciennes en vidéo sur la résidence de Confucius et le temple et sur la ville de Qufu.

Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi (551 à 479 avant J-C), philosophe et fondateur du confucianisme, fut l'un des plus influents penseurs de l'histoire chinoise. L'enseignement de Confucius est basé sur la morale et contient beaucoup de règles de vie pratique. Il a vécu à peu près à la même époque que Laozi (Lao Tseu) et Bouddha. Ils sont à l'origine des trois religions actuelles de la Chine.

Le plus drôle reste à venir :

Confucius a été reconnu de son vivant comme un grand penseur et, par la suite, comme un être surnaturel.

Compléments ésotériques

Le Maître de Benjamin Creme ("La mission de Maitreya", tome I ou III) a indiqué que Confucius avait atteint la 5ème initiation à la fin de sa vie, et était devenu un Maître de Sagesse. C'était une âme de 3ème rayon, une personnalité de 7ème rayon, son corps mental était sur le 2ème rayon.

Il semblerait que le rédacteur de cet article soit allé puiser ses informations dans des sources d'une nature peu sinologique. Une recherche rapide à partir du nom du "Maître" invoqué pour valider ces "Compléments ésotériques" m'a conduit à visiter le site de la revue en ligne Shakti qui consacre une page à Confucius
Le pigiste du Quotidien du peuple s'en est apparemment inspiré faisant fi des mises en garde des auteurs du site.

Confucius.com

De même que le terme, pourtant on ne peut plus inélégant, de "sinologie" a été détourné de son sens premier par des aspirations purement mercantiles et dûment "point-commisé", la latinisation du nom du Maître a, elle aussi, été happée par le web commerçant.

Confucius.com est en fait un annuaire de sites web ("All the best resources on the net") qui propose d'explorer l'internet à partir d'un moteur de recherche et d'un choix de 24 rubriques qui sont : "Philosophy", "Chinese Philosophy", "China", "T-Shirt", "Chinese", "Born", "Religion", "Quote", "Confucianism", "Kong", "Philosophies", "Spirituality", "Taos", "Writer's", "Writing Career", "Book", "Chinese Woman", "History", "Taoism", "Temple", "Religious", "Family", "Author" et "Thread".

Chacune d'entre elle réserve des surprises parfois bonnes (généralement un site commercial qui peut s'avérer utile) ou simplement saugrenues. C'est ainsi que le premier site référencé dans la catégorie "Chinese Woman" s'intitule "Meet Chinese Beauties" et porte le commentaire : "Women seeking love and marriage. Sign up and browse photos for free". De même, le premier choix pour "Philosophy" conduit à un site qui commercialise des produits de beauté ("Buy cutting-edge, deliciously-scented skincare formulas without a prescription". Plus affligeant encore, "Kong", le patronyme du Maître sert de tremplin à un commerce d'une autre nature qui aurait sans aucun doute fait sourire l'auteur du Rouputuan, mais froncer les sourcils de son sage propriétaire. Les curieux le vérifieront à leur guise. Quant à l'interrogation directe, elle est conforme à la philosophie générale du site. Si on lui propose "Confucius", elle vous fournit la solution idéale : "Confucius T-Shirt" (voir le résultat ci-contre).