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mercredi 26 octobre 2005

Rien n'est plus doux

"Rien n'est plus doux que la mélancolie", annonce Robert Burton (1577-1640) dans l'"Abrégé de la mélancolie" par lequel Gisèle Venet ouvre le choix de textes tirés et traduits de l'Anatomie de la mélancolie qui vient de paraître chez Gallimard dans la collection "Folio/Classique" (n° 4255, 2005, 463 pages). Enfin une Anatomie portable, à taille humaine, et tout terrain : en fait, l'ouvrage n'offre que 350 pages de textes fort bien annotés et pas moins de 100 pages d'appareil critique d'un grand intérêt. L'index des auteurs cités (p. 429-456) fait apparaître quelque 700 noms, dont Matteo Ricci pour (au moins) un passage qui se trouve page 121. Le passage sur Kepler dont il fut naguère question ici, est traduit page 229 :

"Pour les planètes, il accorde qu'elles peuvent être habitées, mais il met en doute ce qui touche aux étoiles; de même Tycho Brahé, dans ses Epitres astronomiques, en considérant l'immensité de l'espace, tient des propos similaires, disant qu'il ne peut croire que des corps célestes aussi grands et vastes n'aient été faits que pour ce qu'ils apparaissent à nos yeux, pour illuminer la Terre, un point minuscule par rapport à l'ensemble. Mais qui devrait habiter ces corps, ces terres, ces mondes immenses, s'ils sont habités ? Des créatures douées de raison ? - demande Kepler - Ont-elles des âmes à sauver ? Ou habitent-elles un monde meilleur que le nôtre ? Qui, d'eux ou de nous, sont les seigneurs du monde ? Et comment toutes choses seraient faites pour l'homme ?"

Une note indique que l'interrogation "Ont-elles des âmes à sauver ?" n'est pas de Kepler, mais correspond à une préoccupation de Burton lui-même. Quant à Tycho Brahé (1546-1601), on apprend page 454 qu'il s'agit d'un astronome danois auteur d'un livre intitulé Astronomiae instauratae mechanica (1598).

Voici, pour conclure cette invitation à découvrir le livre qui remplit mes rares moments de repos, la quatrième de couverture de la présente édition :

Ce livre est la plus célèbre encyclopédie de la mélancolie : ce " mal anglais ", comme on l'appelle au XVIIe siècle, Robert Burton (1577-1640), savant d'Oxford, veut le soigner " à l'anglaise ", en évitant par-dessus tout l'oisiveté dont, en bon protestant, il fait la source de tous les maux. Des promenades dans la campagne, avec " l'épagneul de sa mélancolie " pour humer des pistes, et l'étude acharnée de tous les livres sur le sujet, travail d'une vie entière, dans la bibliothèque de Christ Church, " le plus florissant collège d'Europe ", seront la meilleure cure apportée à sa propre maladie, donnant lieu de surcroît à l'écriture proliférante, baroque, en méandres multiples, de son grand ouvrage.

Sans aucun doute plus intéressant que le prochain Goncourt, quelque soit le choix de la docte académie.

vendredi 7 octobre 2005

Q.E.D.*

Le site Confucius2000, site d’une remarquable richesse (j’y reviendrai) découvert incidemment, me fournit la solution à l’interrogation soulevée, il y a peu, à l’occasion de l’anniversaire de Matteo Ricci :

西方人把孔子 (Confucius) 這個詞輸入西洋人的觀念之中,是由利瑪竇神父 (Matteo Ricci 1552〜1610) 開始的,他把中文的孔夫子一詞拉丁化為 Confutius。 在一六九六年殷德釋神父 (Prospero Intorcetta, 1625〜1696) 把 Confutius 改成 Confucius。 此後在英文和法文都採用此名,義大利文用 Confucio,德文用 Konfuzius,俄文用 Konfutzii 等等。

Ce qu’on peut résumer brièvement de la manière suivante :

C’est Matteo Ricci qui le premier a latinisé le chinois Kongfuzi 孔夫子 en Confutius, transcription que Prospero Intorcetta a modifié en Confucius en 1696. A partir de ce moment, on en usa en français et en anglais, alors qu’en italien, on écrivit Confucio, en allemand Konfuzius et en ruse Kongfutzii...

*Quod erat demonstradum, ce serait, non pas à Ricci en personne, mais au Père Prospero Intorcetta, missionnaire Jésuite italien, né soit en 1625, soit en 1626, et mort à Hang-Cheu (Hangzhou ?) 70 ou 71 ans plus tard que l’on devrait le nom le plus fréquemment utilisé pour le grand sage chinois. Les sources consultées à son sujet (rares et fort laconiques) atteste de sa présence en Chine à partir de 1659, notamment dans le Jiangxi et le Zhejiang. Elles lui attribuent également des traductions des propos de Confucius, du Zhongyong et la publication de la traduction du Daxue (1662) par Ignacio da Costa.

mardi 4 octobre 2005

Happy Birthday M. Ricci

Voici 453 ans, le 6 octobre, naissait Mathieu Ricci ou si l'on veut Matteo Ricci (1552-1610), missionnaire italien, membre de la Compagnie de Jésus, mort à Pékin le 11 mai 1610.

Selon Lionel M. Jensen (Manufacturing Confucianism: Chinese Traditions and Universal Civilization. Durham : Duke University Press, 1997. xix, 444 pp.), c’est bien lui qui aurait forgé à partir du chinois Kongfuzi 孔夫子, la latinisation "Confucius" maintenant incontournable pour parler du sage Chinois. Jensen n’est certes pas le seul, ni du reste le premier à défendre cet avis. On retrouve cette affirmation un peu partout et également dans la notice de Wikipedia qui offre en prime le nom chinois sous lequel le vénérable jésuite s’est fait connaître, soit Li Madou 利馬竇.

Il n’empêche que l’Histoire de l’expédition chrétienne au royaume de la Chine (1582-1610) (Desclée de Brouwer/Bellarmin, 1978, 742 pp.) traduction française de la traduction latine (“souvent infidèle”, dixit Jacques Gernet, 1973) par le Père Jésuite belge Nicolas Trigault (1577-1628) de la version originale en italien de Ricci, utilise une autre transcription, savoir Confutius. En voici deux courts extraits :

De la variété des sciences plus nobles, ils n'ont quasi connaissance que de la seule philosophie morale. Car ils ont plutôt obscurci la nature de diverses erreurs qu'ils ne l'ont éclaircie. Or, d'autant qu'ils n'ont rien appris de la dialectique, ils traitent ces préceptes éthiques ou moraux sans aucun ordre de doctrine, mais la plupart avec sentences et ratiocinations confuses, autant qu'ils peuvent être guidés de la lumière infuse de nature. Le plus grand philosophe de tous les Chinois s'appelle Confutius, que je trouve être venu en ce monde cinq cents cinquante et un ans devant l'avènement de notre Sauveur Jésus Christ en terre et avoir vécu plus de septante ans. De telle sorte qu’il excitait un chacun à l’étude de la vertu non moins par l’exemple que par écrits et conférences, par laquelle façon de vivre il a acquis telle réputation entre les Chinois qu’on croit qu’il a surpassé en sainteté de vie tous les mortels autant qu’il en a eu d’excellents en vertu, en quelque lieu du monde que ce soit. Et certes, si on a égard aux paroles et actions qu’on lit de lui, nous confesserons qu’il cède à peu de philosophes ethniques [païens] et qu’aussi il en devance beaucoup. Pour cette cause, l’estime qu’on fait de ce personnage est si grande qu’aujourd’hui même les hommes de lettres chinois ne révoquent en doute chose aucune qu’il a dite, mais ils le croient tous également comme leur commun maître ; et non seulement les hommes lettrés, mais aussi les rois mêmes après tant de siècles passés le révèrent : mais toutefois à la façon des mortels et non comme ils adorent quelque déité. Et font paraître qu’ils ne sont pas ingrats, montrant combien il lui sont redevables pour la doctrine qu’il leur a enseignée. Car depuis tant de temps sa postérité est fort honorée de tous. Et les rois ont donné au chef de la famille par droit héréditaire un titre d’honneur non petit qui est suivi de très grands revenus, immunités et privilèges. (Chap. V., p. 94-95)

La secte des lettrés est (...) très ancienne en ce royaume. Cette-ci gouverne la république, a plusieurs livres et est estimée par-dessus toutes les autres. Les Chinois ne font pas choix de la loi de cette secte, ainsi ils la reçoivent ensemble avec l’étude des lettres et n’y a aucun de ceux qui étudient ou qui acquièrent des honneurs littéraires qui ne fasse profession d’icelle. Ils reconnaissent Confutius, duquel j’ai parlé ci-dessus, pour auteur et prince des philosophes. (p. 162)

La confusion est totale lorqu’on trouve dans les citations de l’original en italien, non pas Confucius, ni même Confutius, mais soit Confucio, soit Confuzio !
La solution réside sans doute dans la consultation Della Entrata Compagnia di Giesù e Christianà nella Cina (Introduction de la Compagnie de Jésus et du christianisme en Chine) qui a été rééditée en 2000 par Quodlibet, à Macerata lieu de naissance de Ricci)

samedi 16 juillet 2005

Riccius & Co

On avait déjà, en 1621, de bonnes raisons de se méfier des Chinois, la preuve, ce court passage trouvé dans l'Anatomy of Melancholy (cf. "Lords of the World") :

Riccius, the Jesuit, and some others, relate of the industry of the Chinese most populous countries, not a beggar or an idle person to be seen, and how by that means they prosper and flourish. We have the same means, able bodies, pliant wits, matter of all sorts, wool, flax, iron, tin, lead, wood, &c., many excellent subjects to work upon, only industry is wanting. We send our best commodities beyond the seas, which they make good use of to their necessities, set themselves a work about, and severally improve, sending the same to us back at dear rates, or else make toys and baubles of the tails of them, which they sell to us again, at as great a reckoning as the whole.

Le Riccius dont parle Democritus Junior (alias Robert Burton) dans son adresse à son lecteur, n'est autre que Matteo Ricci, né en 1552 et mort à Pékin le 11 mai 1610, représenté ici en compagnie de l'Allemand Adam Schall von Bell (1592-1666) et du Flamand Ferdinand Verbiest (1656-1688).