![]() Qui peut les lire tous ? Car désormais nous voilà devant un amas, un chaos de livres ; nous en sommes oppressés, les yeux brûlés de lire les pages, les doigts de les tourner. Plus loin (p. 80), il écrit : Lecteur, tu ne peux pas avoir de moi une plus piètre idée que moi-même. Rien ici ne vaut la peine d’être lu, j’y consens, je te prie de ne pas perdre ton temps à te pencher sur un si vain sujet. Je serais moi-même tout aussi réticent à lire un tel écrivain, toi ou un autre, ce n’est pas operae pretium - cela n’en vaut pas la peine. Evidemment, il ne faut surtout pas le prendre au pied de la lettre ; sa longue mise en garde est un régal d’humour et de pertinence, à lire et à relire. Reste tout de même à mettre sur pied une stratégie pour ne plus lire n’importe quoi - ceci dit, en ne lisant que des auteurs morts et enterrés depuis des lustres, je risque beaucoup moins que ceux qui incluent dans leur tableau de chasse les contemporains. Voici deux pistes à explorer. Si l’on en croit ce qu’écrit Antoine Compagnon (Le démon de la théorie, 1998), dans “L’angoisse de lire” (article du Magazine littéraire n° 400 (2001), p. 18-19, repris dans le numéro hors-série, “Les écrivains et la mélancolie” des “Collections du ML”, n° 8 (oct-nov 2005), p. 22-23) : Il y a deux sortes de livres, les livres dont vous sortez changé pour toujours et les autres. Un livre qui vous laisse tel quel n’est pas un livre qui valait la peine. N’est-ce pas là un excellent critère de sélection ? Dommage qu’il arrive un peu tard, car on n'est enfin éclairé sur la nature du livre en question que lorsqu’on l’a achevé. Par contre, un peu plus haut dans la même section de l’article (‘Contre la lecture facile’), s’en dessine un autre plus efficace, car il permet d’interrompre le processus en cours de route, et donc perdre moins de temps : |
Affichage des articles dont le libellé est Robert Burton. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Robert Burton. Afficher tous les articles
samedi 29 octobre 2005
Operae pretium
mercredi 26 octobre 2005
Rien n'est plus doux
![]() "Pour les planètes, il accorde qu'elles peuvent être habitées, mais il met en doute ce qui touche aux étoiles; de même Tycho Brahé, dans ses Epitres astronomiques, en considérant l'immensité de l'espace, tient des propos similaires, disant qu'il ne peut croire que des corps célestes aussi grands et vastes n'aient été faits que pour ce qu'ils apparaissent à nos yeux, pour illuminer la Terre, un point minuscule par rapport à l'ensemble. Mais qui devrait habiter ces corps, ces terres, ces mondes immenses, s'ils sont habités ? Des créatures douées de raison ? - demande Kepler - Ont-elles des âmes à sauver ? Ou habitent-elles un monde meilleur que le nôtre ? Qui, d'eux ou de nous, sont les seigneurs du monde ? Et comment toutes choses seraient faites pour l'homme ?" |
Une note indique que l'interrogation "Ont-elles des âmes à sauver ?" n'est pas de Kepler, mais correspond à une préoccupation de Burton lui-même. Quant à Tycho Brahé (1546-1601), on apprend page 454 qu'il s'agit d'un astronome danois auteur d'un livre intitulé Astronomiae instauratae mechanica (1598). |
Voici, pour conclure cette invitation à découvrir le livre qui remplit mes rares moments de repos, la quatrième de couverture de la présente édition :
Ce livre est la plus célèbre encyclopédie de la mélancolie : ce " mal anglais ", comme on l'appelle au XVIIe siècle, Robert Burton (1577-1640), savant d'Oxford, veut le soigner " à l'anglaise ", en évitant par-dessus tout l'oisiveté dont, en bon protestant, il fait la source de tous les maux. Des promenades dans la campagne, avec " l'épagneul de sa mélancolie " pour humer des pistes, et l'étude acharnée de tous les livres sur le sujet, travail d'une vie entière, dans la bibliothèque de Christ Church, " le plus florissant collège d'Europe ", seront la meilleure cure apportée à sa propre maladie, donnant lieu de surcroît à l'écriture proliférante, baroque, en méandres multiples, de son grand ouvrage.
Sans aucun doute plus intéressant que le prochain Goncourt, quelque soit le choix de la docte académie.
samedi 16 juillet 2005
Riccius & Co
![]() Riccius, the Jesuit, and some others, relate of the industry of the Chinese most populous countries, not a beggar or an idle person to be seen, and how by that means they prosper and flourish. We have the same means, able bodies, pliant wits, matter of all sorts, wool, flax, iron, tin, lead, wood, &c., many excellent subjects to work upon, only industry is wanting. We send our best commodities beyond the seas, which they make good use of to their necessities, set themselves a work about, and severally improve, sending the same to us back at dear rates, or else make toys and baubles of the tails of them, which they sell to us again, at as great a reckoning as the whole. Le Riccius dont parle Democritus Junior (alias Robert Burton) dans son adresse à son lecteur, n'est autre que Matteo Ricci, né en 1552 et mort à Pékin le 11 mai 1610, représenté ici en compagnie de l'Allemand Adam Schall von Bell (1592-1666) et du Flamand Ferdinand Verbiest (1656-1688). |
dimanche 29 mai 2005
Lords of the world
L'exergue que Wells avait donné à son The War of the Worlds manquera sa doute au simple spectateur du film (Cf. Spielberg vs Wells).
Il reprend un passage d'un des monuments de la littérature anglaise The Anatomy of Melancholy (1621) dans lequel Robert Burton (1577-1640) son auteur cite son contemporain Johannes Kepler (1571-1630). Le voici :
Chez nous, en France, nous dit J. J. Scaliger, tous les hommes sont libres d’écrire, mais peu en sont capables, jusqu’à présent le savoir était servi par des savants au jugement sain, mais à présent les sciences les plus nobles sont salies par des pisse-copie vils et sans culture qui écrivent par vaine gloire, par nécessité, pour obtenir de l’argent ou pour flatter et enjôler quelque grand homme qu’ils parasitent ; ils produisent des niaiseries, des déchets et des sottises. Parmi tant de milliers d’auteurs, vous aurez du mal à en trouver dont la lecture fera de vous quelqu’un d’un peu meilleur; tout au contraire elle vous infectera alors qu’elle devrait contribuer à vous perfectionner.
Celui qui lit ces choses,
Qu’apprend-il sinon des billevesées et des bagatelles ?
De sorte qu’il arrive fréquemment (Callimaque l’a remarqué autrefois) qu’un grand livre soit un grand malheur. Cardan accuse les Français & les Allemands d’écrire pour rien, il ne leur reproche pas d’écrire, mais voudrait les voir faire preuve d’inventivité ; nous continuons sans cesse à tisser le même filet, à tordre la même corde encore et encore, ou alors, s’il s’agit d’une nouveauté, elle n’est que babiole ou divertissement écrit par des gens oisifs qui souhaitent être lus par des gens tout aussi oisifs; et pourquoi ne savent-ils pas inventer? Il faut avoir un esprit bien stérile pour, à notre époque où tous écrivent, ne rien forger de neuf. Les princes exhibent leurs armées, les riches se vantent de leurs édifices, les soldats de leur virilité, et les lettrés divulguent leurs babioles, il faut qu’on les lise, il faut qu’on les entende, qu’on le veuille ou non.
Il reprend un passage d'un des monuments de la littérature anglaise The Anatomy of Melancholy (1621) dans lequel Robert Burton (1577-1640) son auteur cite son contemporain Johannes Kepler (1571-1630). Le voici :
![]() |
Chacun connaît le jeu de l'île déserte. L'anatomie de la mélancolie de Robert Burton (1576-1640) fait partie des dix livres à emporter sur cette fameuse île. Sans équivalent à son époque ni après elle, l'Anatomie est la somme de toutes les questions que se pose l'individu face au monde, la somme aussi de toute la culture classique. Si l'Anatomie est la Bible de l'honnête homme, elle demeure pour nous un livre total. |
Suit un passage tiré du prologue qui donne vraiment envie de se procurer l'ouvrage et d'en dévorer les quelque 4000 pages : |

Celui qui lit ces choses,
Qu’apprend-il sinon des billevesées et des bagatelles ?
De sorte qu’il arrive fréquemment (Callimaque l’a remarqué autrefois) qu’un grand livre soit un grand malheur. Cardan accuse les Français & les Allemands d’écrire pour rien, il ne leur reproche pas d’écrire, mais voudrait les voir faire preuve d’inventivité ; nous continuons sans cesse à tisser le même filet, à tordre la même corde encore et encore, ou alors, s’il s’agit d’une nouveauté, elle n’est que babiole ou divertissement écrit par des gens oisifs qui souhaitent être lus par des gens tout aussi oisifs; et pourquoi ne savent-ils pas inventer? Il faut avoir un esprit bien stérile pour, à notre époque où tous écrivent, ne rien forger de neuf. Les princes exhibent leurs armées, les riches se vantent de leurs édifices, les soldats de leur virilité, et les lettrés divulguent leurs babioles, il faut qu’on les lise, il faut qu’on les entende, qu’on le veuille ou non.
Inscription à :
Articles (Atom)