Affichage des articles dont le libellé est Jean Lévi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Jean Lévi. Afficher tous les articles

mercredi 18 juillet 2007

Le stratagème de la ville vide

J'ai (ailleurs) déjà signalé la sortie d'une nouvelle version française des 36 stratagèmes [Sanshiliu ji 三十六計] et me suis amusé de la stratégie retenue par son éditeur pour produire une jolie confusion dans l'esprit des lecteurs afin d'imposer la traduction de Jean Lévi sur celle de ...... .

Ce billet sera l'illustration du trente-deuxième stratègme : "Kong cheng ji" 空城計, "Le stratagème de la ville vide" par le texte et la vidéo.




Le texte pour commencer. Ce sera le résumé (à peine modifié) donné par Jean Lévi à un épisode qui intervient dans le 95ème chapitre de l'édition en 120 chapitres du Sanguo zhi yanyi 三國志演義 :

Surpris dans la petite ville de Xicheng faiblement défendue avec seulement trois mille hommes par l'avance du gros des troupes du général adverse Sima Yi 司馬懿, Zhuge Liang 諸葛亮 (alias Kongming 孔明 ) décide de laisser les portes de la ville ouvertes et de dégarnir les murs de ses défenseurs, tandis que lui-même, bien visible en haut d'une tour, jouait du luth. Le général Sima Yi, à la vue de ce spectacle insolite, subodora un piège et crut habile de battre en retraite plutôt que de se lancer tête baisszée dans un traquenard, laissant le temps à son adversaire d'organiser sa retraite. C'est ainsi que le rusé ministre du Chu put, à lui tout seul et dans une ville quasiment déserte, tenir en respect un adversaire fort de cent mille hommes.

 Source : Sun Tzu, L'art de la guerre. Hachette, "Pluriel", 2004, p. 182.

La vidéo maintenant avec un extrait (en trois parties) d'une adaptation cinématographique du Roman des Trois Royaumes récupéré sur Youtube :
1/3.

2/3.

3/3.


Inutile de dire que Youtube, et les autres sites de vidéo sur internet, surtout chinois (voir ici), mettent à disposition des milliers de séquences de ce type et qu'on aurait tort de se priver tant que ce n'est pas interdit.

vendredi 20 avril 2007

Sunzi online

Il y a peu et ailleurs, je notais que le Sunzi bingfa 孫子兵法 était l'ouvrage chinois accessible sur le Projet Gutenberg le plus souvent téléchargé dans sa version anglaise. On peut retrouver la même traduction, savoir celle de Lionel Giles (1875-1958), ici, , et encore . C'est, du reste, loin d'être la seule à permettre aux lecteurs anglophones de découvrir ce texte. Il suffit d'aller voir ici, , encore , pour des versions annoncées "complètes".

Pour le texte chinois, on a bien entendu un choix encore plus grand : mais on peut privilégier la version de Zhongwen.com qui présente l'avantage de proposer en regard du texte établi à partir d'une édition dûment signalée, un dictionnaire et des liens vers d'autres outils linguistiques de qualité dont le Guoyu cidian 國語辭典 (Edition de 1998) [on lui préférera quand même la dernière version en ligne]. Certains sites, comme ce dernier, combinent texte et traduction anglaise. C'est encore celle de L. Giles qui revient le plus souvent.

A côté de cette pléthore, la traduction espagnole, consultable ici, fait figure de pauvre orpheline : je n'ai pas trouvé de traduction française disponible sur le net. Même celle du père Amiot (1772), pourtant libre de droit, n'a pas été mise à disposition des internautes francophone *. Elle reste néanmoins facilement accessible grâce aux Editions Mille et une nuits (L'art de la guerre, n° 122, 1996). On ne devrait peut-être pas s'en réjouir tant elle est "personnelle". Il faut donc passer par le livre, et celui de Jean Lévi - mon livre du moment - est, bien entendu, tout indiqué : Sun Tzu, L'art de la guerre. Traduit du chinois et commenté par Jean Lévi. Paris : Hachette ["Littératures" (2000) ou "Pluriel" (2004)]. [En illustration, Sunzi par Qicartoon]

Mais retournons en ligne. Certains sites ratissent plus large que ceux déjà cités en fournissant des grappes de liens vers toutes sortes de domaines d'application du Sunzi bingfa, voir notamment ici : beaucoup de liens veufs au rendez-vous, ce qui, in fine, dispense de faire des détours improductifs.

Le curieux pressé gagnera donc beaucoup de temps en se rendant directement sur Sonshi.com qui se présente comme "The Largest Website for Sun Tzu's Art of War" "supported by over 40 major Art of War authors and scholars". Il propose, outre une foule de documents, sa propre traduction :

"Sonshi.com's Sun Tzu "The Art of War" took over a year to complete. Countless hours were required to meticulously translate each individual character from the original Chinese text, cross referenced with more than six major English editions."

Ce site spécialisé permet aussi de prendre la mesure de l'impact que Sunzi, son texte et ses commentaires ont aujourd'hui dans des domaines, et sur des personnes très éloignés de leur lieu et époque d'origine (voir notamment ici !) en consultant les "Sonshi articles" . Ce sont pour la plupart des interviews de personnalités ayant contribué à mieux faire connaître et apprécié Sunzi et la stratégie chinoise. Parmi eux, on trouve celui de John Minford qu'introduit cette phrase :

Just when we thought a new Sun Tzu "The Art of War" translation is not needed, retired Professor John M. Minford's masterful work proved us wrong.

Je ne retiens qu'un court passage de cet entretien fort instructif :

Sonshi.com : You researched Father Amiot's book -- the first Western translation of The Art of War. Outstanding! What did you think about his translation and why did you decide to research it? In general, do the French read The Art of War as much as the Americans?

Minford : I was interested in Father Amiot as one of the early Jesuits in China. (The Jesuits, and their unique role in transmitting Chinese culture to the West, have long been one of my interests. I am currently working as a Story Consultant for a big Italian movie project about the early Jesuit Matteo Ricci, being produced by Mario Cotone, who did The Last Emperor and Godfather 2.) Father Amiot's version of The Art of War is more of a re-write, and is itself based on a no longer extant Manchu version (complete with running commentary), probably created in the late 17th century for the Manchu ruling class in China. (As conquerors, the Manchus needed to understand how the Chinese thought-for very practical reasons!) Amiot (who knew that his book would be read by the French Minister in charge of Foreign Relations) goes straight to the heart of the meaning of the text, and does not scruple to find fault with Sunzi's thinking where necessary. He was after all a Christian missionary! There is also a recent French translation (which I mention in my book) by Jean Lévi, which is excellent, very strong on commentary and philosophical interpretation. He relies heavily on the thinking of Francois Jullien, one of France's leading sinologists. Yes, the French are very interested in this book. There are several versions available in paperback.

Sonshi.com qualifie la traduction de Minford d'"extremely concise yet complete", et la juge "truer to the original Chinese format than all previously published Sun Tzu versions." Elle existe en plusieurs formats : Sun Tzu, The Art of War. The Essential Translation of the Classic Book of Life. Translated with an Introduction and Commentary by John Minford. New York - London : Viking, 2002, 384 pages (réédition Penguin classics, 2003, Penguin Books, 2006). Depuis 2004, elle est également accessible en format audio, lu par l'actrice américaine Lorna Raver, notamment sur le portail de vente iTunes (Blackstone Audiobooks) : on peut s'en faire une idée en écoutant 1 minute 30 des 9 h 32 minutes de cette réalisation qui ouvre la voie pour un nouveau type de diffusion des travaux sinologiques. Combien de temps faudra-t-il attendre pour pouvoir disposer du dernier François Jullien en MP3 ?

Pour ceux qui n'auraient pas le goût de l'écoute, je propose pour achever ce billet un peu décousu sur un sujet qui m'échappe, une formation accélérée au Sunzi grâce (entre autres sources possibles) à Youtube. Ce film d'animation de 3 mn 32 est "based on the adaptation by the comic master Tsai Chih Chung [蔡志忠], this book serves as the highlight of the Multimedia Book series." Attention, c'est parti !.... enfin, n'oubliez pas de cliquer sur l'écran ci-dessous !


* Complément du 21/04/07.

Je tiens à corriger une erreur : la traduction du père Amiot a été mise en ligne par Pierre Palpant, ici. Il s'agit d' "une édition électronique de “L’art de la guerre”, réalisée à partir de SUN TSE et les anciens Chinois OU TSE et SE MA FA. (Ve au IIIe siècles avant J.-C.). Textes traduits par le P. Amiot, présentés et annotés par Lucien NACHIN (1885-1952). Paris : Collection "Les Classiques de l’art militaire", Éditions Berger-Levrault, 1948, XIX+184 pages.
Mille excuses et bonne lecture !....

vendredi 1 décembre 2006

Supprimer l'auteur

La commande en ligne de livres est rendue d'autant plus indispensable qu'on habite loin d'une véritable librairie. Amazon s'impose comme l'interlocuteur idéal : choix immense, rapidité et efficacité, voire même parfois gratuité, du service. Disposer dans un temps assez court de livres inaccessibles à Marseille est, pour moi, largement suffisant, mais la société offre plus et multiplie les services inutiles. A quoi bon cet onglet qui ouvre une page pompeusement appelée "Chez Kaser", page qui me renvoie un écho déformé des achats déjà réalisés, avec des propositions en phase avec mes goûts supposés. Quand celui - ou celle - qui commande un livre de Jean Lévi se voit proposer, quasi magiquement, le Contre François Jullien de Jean-François Billeter (Allia, 2006), ce sont plus de 90 % des suggestions qui tombent à plat.

Mais le génie d'Amazon ne s'arrête pas là puisqu'une commande [voir illustration] permet de réaliser le rêve de la critique littéraire du siècle passé, savoir "supprimer l'auteur". N'en font-ils pas un peu trop ?

Bon trêve de plaisanterie. Il est certes rageant de vivre loin des bonnes librairies, mais encore plus de se trouver à 773,4 km du Collège de FranceAntoine Compagnon donnait hier sa leçon inaugurale. Le provincial n'a plus qu'à se satisfaire des rares échos de l'événement (ici et ) et à attendre patiemment qu'Amazon mette à sa disposition la publication de la dite leçon et les prochaines publications de celui qui occupe dorénavant la chaire de Littérature moderne et contemporaine : Histoire, critique, théorie de la prestigieuse institution qui est encore à mille lieux de podcaster ses cours !

samedi 22 janvier 2005

Comptes rendus

Dans son compte rendu (injustement) assassin de la traduction du Huainanzi (Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 2003), Jean-François Billeter (Etudes chinoises, vol. XXIII, p. 461-2) livre chemin faisant des considérations très pertinentes sur ce que risque de devenir les études chinoises :

"Les sinologues devraient combattre ce mythe de la Chine "autre" parce qu'il est en lui-même une régression intellectuelle et parce qu'il menace les études chinoises. L'étude du passé chinois est en train de tomber en déshérence dans nos meilleures institutions parce qu'elle apparaît de plus en plus comme une occupation dénuée de sens pour les étudiants. L'étude de la Chine doit cesser d'être une fin en soi. Il faut que les sinologues exercent publiquement leur jugement et fassent savoir pourquoi ils estiment que tel ouvrage mérite d'être connu du public, ou ne le mérite pas : qu'au lieu de justifier son intérêt par le seul fait qu'il est chinois, ils le présentent comme un élément important de l'histoire humaine, saisie dans son unité ; et qu'ils renouvellent pour cela leurs façons de présenter les oeuvres, et d'abord de les traduire."

Voilà qui rappelle ce qu'il écrivait déjà en 1998 dans ses Mémoires sur les études chinoises à Genève et ailleurs ouvrage malheureusement fort difficile à trouver car édité par l'auteur lui-même. Je me contente de reprendre le conseil qu'il donne aux sinologues pour "sortir de l'actuel cercle vicieux" :

"Il faudrait des sinologues qui aient pour vocation principale de s'adresser non pas aux autres sinologues mais au public et, pour commencer, au public étudiant des facultés de lettres et de sciences humaines."


De son côté Jean Lévi avec qui il féraille dans les pages de ce même volume d'Etudes chinoises livre aux Editions de l'Encyclopédie des nuisances (Paris, 2004), un bien attirant Eloge de l'anarchie par deux excentriques chinois.

Il ne faut surtout pas manquer de lire l'"Avertissement" dans lequel Jean Lévi écrit qu'il lui a "paru intéressant de livrer au public français non sinologue quelques témoignages des débats politiques véhéments qui agitaient les milieux lettrés, dans une Chine en pleine effervescence intellectuelle" (p. 8), car un peu plus loin, il envoie une pique au professeur à l'Université Paris-7 - Denis-Diderot, Membre senior de l'Institut universitaire de France (promotion 2001), Directeur du Centre Marcel-Granet, également directeur de l'Institut de la Pensée contemporaine, assumant en même temps la direction de la collection "Orientales" aux Presses universitaires de France :

"On y voit des doctrines antagonistes s'affronter, non pas en procédant par insinuations ou incitations, comme le veut un François Jullien, mais en exposant de façon claire et raisonnée des arguments et en tentant de réfuter point par point les thèses de l'adversaire." (P; 9)

Bien envoyé, certes, mais sans conséquence puisque ce livre déjà indispensable passera sans doute inaperçu du "grand public cultivé" quand "le dernier Jullien" avec son titre accrocheur - Nourrir sa vie. A l'écart du bonheur (Seuil, 2005, 180 p.), lequel bénéficie déjà d'une promotion dans les colonnes du Monde des Livres du 21 janvier (p. 10), va sûrement se vendre comme des petits pains.

Dommage car son projet est on ne peut plus stimulant.
Le voici résumé par Jean Lévi : "Pour divers que soient les jugements qu'ils portent sur l'essence de la civilisation chinoise, il est deux points sur lesquels les spécialistes s'accordent. Le premier est que la Chine n'a jamais connu ni même imaginé qu'une seule forme de gouvernement, et le second que le débat d'idées tel qu'il se pratique en Occident depuis les Grecs n'y avait pas cours. Les traductions des trois polémiques que nous présentons ici ont pour premier objet d'apporter un démenti à ces assertions. "

J'enrage : une pile de copies à corriger, une foule de mails à écrire, un dossier à remplir, un colloque à suivre et mille autres choses vont me retenir de plonger dans la lecture de ces débats présentés en trois volets :
I. De l'inutilité des princes.
II. Sur le caractère inné du goût pour l'étude.
III. Des effets nocifs de la société sur la santé.


Beau programme.