vendredi 18 novembre 2005

Stercus cuique bene olet

Une panne d'internet est toujours salutaire pour la lecture. Grâce aux défaillances de Wanadoo donc, je me suis plongé hier soir dans le dernier ouvrage de Simon LEYS, lequel a pour titre Les idées des autres idiosyncratiquement compilées par Simon Leys pour l'amusement des lecteurs oisifs (Paris : Plon, 2005), au prix un peu abusif de 14 euros pour seulement 135 pages.

Je ne regrette pas mes sous car c'est un festival de bons mots et de pensées bien formulées qu'a su réunir le grand sinologue qui nous fait partager là ses trouvailles volées à pas moins de 180 auteurs différents de toutes les époques et de toutes les cultures, soit un bon demi-millier de citations réparties en quelque 170 rubriques rangées en ordre alphabétique.

Pour la Chine, notons les noms de quelques célébrités Gong Xian (1599-1689)(1x), Jia Dao (779-843) (1x), Li Bai (701-762) (1x), Sima Qian (vers 145 - 90 av. J.-C.) (2x), Su Dongpo (1037-1101) (4x), Wang Wei (701-761)(1x), Wei Yingwu (737- vers 792)(1x), Xin Qiji (11400-1207) (1x), Xun Zi (vers 313-238 av. J.-C.) (1x), Zhuangzi (vers 396-286 av. J.-C.)(3x) et le bon Confucius (551-479 av. J.-C.) (4x) et un Jiang Jie (1x) que je ne suis pas parvenu à identifier. Les citations chinoises apparaissent en chinois, dans une élégante calligraphie, et en français.

Page 85, figure une maxime empruntée à la "Biographie du Prince Shang" alias Shang Yang 商鞅 ("Shang Jun liezhuan" 商君列傳) rédigée par Sima Qian 司馬遷 pour ses Mémoires historiques 史記 (Shiji, 68.8) : Qian ren zhi nuonuo, buru yi shi zhi e'e 千人之諾諾不如一士之諤諤

Pour elle, Leys alias Ryckmans (Pierre) a forgé une traduction très percutante :

"Les oui-oui de la foule ne valent pas le non-non d'un seul honnête homme".

Dans sa traduction de la biographie, Jacques Pimpaneau (Sima Qian, Mémoires historiques. Vies de Chinois illustres. Arles : Picquier, "Picquier Poche", n° 187, 2002, p. 73) la rend plus platement par : "L'approbation de mille personnes ne vaut pas les critiques d'une seule". Roger Darrobers (Proverbes chinois. Paris : Seuil, "Points/sagesse", Sa 109, 1996, p. 50) propose quant à lui : "Mieux vaut les critiques d'un seul homme que l'assentiment de mille."

La citation de Sima Qian intervient dans la rubrique "NON" pour laquelle Leys convoque également Chamfort (Sébastien-Roch-Nicolas) (1741-1794). Son intervention, (réelle ou attribuée) ne semble pas tirée de son œuvre posthume Maximes, pensées, caractères et anecdotes (1795) - SL ne fournit pas les références des citations. Elle finit ainsi :

"Savoir prononcer ce mot et savoir vivre seul sont les seuls moyens de conserver sa liberté et son caractère."

Chamfort, encore - il apparaît six fois dans l'ouvrage - à la rubrique "Amis" cette fois :

"Dans le monde, vous avez trois sortes d'amis : vos amis qui vous aiment, vos amis qui ne se soucient pas de vous, et vos amis qui vous haïssent".

Chamfort, toujours, pour finir, à la rubrique "Rire" :

"La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri".

Allez, encore une, fort juste et bien tournée, cette fois prise à Erasme (vers 1467-1536) - représenté ici par Hans Holbein (Le jeune) (1497-1543) (c'est l'illustration de couverture du livre de S. Leys) -, d'abord en latin : "Stercus cuique bene olet", puis dans sa traduction française : "Chacun trouve que sa propre merde sent bon".

Collier de pensées

Inspiré par le dernier ouvrage de Simon Leys, je vais moi aussi me mettre à enfiler selon l'humeur des jours et au fil de mes lectures, les citations et les pensées des autres. Voici donc pour commencer, un lot de trois pensées sur la littérature trouvées dans Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun d'Antoine Compagnon (Paris : Le Seuil, coll. “Points/Essais”, 1998, 344 p.) et notées dans un coin de document sur le roman chinois (!) depuis des lustres :

Une définition de la littérature est toujours une préférence (un préjugé) érigée en universel.”

Le terme littérature a donc une extension plus ou moins vaste suivant les auteurs, des classiques scolaires à la bande dessinée, et sa dilatation contemporaine est difficile à justifier. Le critère de valeur qui y inclut tel texte, c’est-à-dire qui en exclut tel autre, n’est pas en lui-même littéraire, ni théorique, mais éthique, social et idéologique, en tout cas extra-littéraire.” (p. 36).

Mais si la littérature peut être vue comme contribution à l’idéologie dominante, “appareil idéologique d’Etat” ou même propagande, à l’inverse on peut aussi insister sur sa fonction subversive, surtout depuis le milieu du XIXe siècle et la vogue de la figure de l’artiste maudit. (...) La littérature confirme un consensus, mais elle produit aussi de la dissension, du nouveau, de la rupture.” (p. 38-39).

Certes, elles n'ont pas la puissance de celles des pages 61-64 du Leys - pour l'occasion, il fait appel à Jean Pauhlan (1884-1968) (2x), Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), Joseph Conrad (1857-1924), Gustave Flaubert (1821-1880), Clive Staples Lewis (1898-1963) -, mais elles n'ont pas trouvé de place ailleurs. Elles me seront - je suppose - utiles un jour.

De la "Littérature" au "Livre" il n'y a qu'un pas. Page 65, du même livre justement, on peut lire cette remarque d'Arthur Schopenhauer (1788-1860) (cf. illustration) :

"Acheter des livres serait une bonne chose si l'on pouvait simultanément acheter le temps de les lire. Mais de façon générale on confond l'achat d'un livre avec l'appropriation de son contenu".

Petit complément de 4 décembre.

Quelques 'bons mots' d' Arthur S., qui avait placé une phrase de Chamfort en exergue à son "Introduction" à ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie : “Le bonheur n’est pas chose aisée, il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs.” On la retrouve également chez Leys (p. 20)

Les citations suivantes proviennent du chapitre VI, “De la différence des âges de la vie” de ces Aphorismes (PUF, “Quadrige/Grands textes”, Cantacuzène, J.-A. (trad), (1943) 2004) :

Pendant l’enfance la vie se présente comme un décor de théâtre vu de loin ; pendant la vieillesse, comme le même, vu de près.” (157)

On peut aussi (...) comparer la vie à une étoffe brodée dont chacun ne verrait, dans la première moitié de son existence, que l’endroit, et, dans la seconde, que l’envers ; ce dernier côté est moins beau, mais plus instructif, car il permet de reconnaître l’enchaînement des fils.” (160)

Considérée du point de vue de la jeunesse, la vie est un avenir infiniment long ; de celui de la vieillesse, un passé très court.” (161)

Encore plus drôle sur la même page : “Dans l’âge avancé, chaque jour de la vie qui s’écoule produit en nous le sentiment qu’éprouve un condamné à chaque pas qui le rapproche de l’échafaud.” (161)

La vie humaine, à proprement parler, ne peut être dite ni longue ni courte, au fond, elle est l’échelle avec laquelle nous mesurons toutes les autres longueurs du temps.” (172)

La différence fondamentale entre la jeunesse et la vieillesse reste toujours celle-ci : que la première a la vie, la seconde la mort en perspective ; que, par conséquent, l’une possède un passé court avec un long avenir, et l’autre l’inverse. Sans doute, le vieillard n’a plus que la mort devant soi ; mais le jeune a la vie ; et il s’agit maintenant de savoir laquelle des deux perspectives offre le plus d’inconvénients, et si, à tout prendre, la vie n’est pas préférable à avoir derrière que devant soi.” (172)

Piquant, non ? On trouvera un lot de 33 citations du même auteur et du même acabit >> ici . Ne pas manquer de passer par l'accueil du site de Gilles G. Jobin, 'Au fil de mes lectures', qui contient actuellement 15 207 citations de plus de 495 auteurs !

vendredi 11 novembre 2005

Bis repetita

J'étais bien confiant le 28 octobre dernier en claironnant un peu vite que j’étais enfin débarrassé de Confucius et de Lin Yutang. Erreur, double erreur, car me voilà à nouveau confronté à l’un et surtout à l’autre.

Pour faire court, voici en deux mots ce qui est arrivé.

Ma préface n’a pas plu : exit donc les 25 000 signes amoureusement agencés et les quelque 4000 mots par lesquels je tentais – avec beaucoup d’indulgence - de faire la part des choses afin de permettre au lecteur attentif de mieux apprécier la nature du livre qu’il allait lire. Peine perdue !, ce n’était « pas la bonne préface pour ce livre ».

Il fallait donc en refaire une, ou plutôt faire, enfin, la « bonne » préface, ou pour dire les choses autrement une préface mieux intentionnée, voir carrément laudative, qui soit en harmonie avec la volonté de l’éditeur de « favoriser la redécouverte de Lin Yutang et de proposer une lecture de Confucius, qui, malgré toutes ses lacunes et son caractère daté, en propose une vision personnelle et susceptible d'intéresser le grand public. »

Le grand public ! Eh ! C’est que je ne l'avais pas en tête, moi, le « grand public » en rédigeant un texte que j'ai mis en ligne afin que chacun puisse juger sur pièce. Il est vrai qu’il ne vaut mieux pas lui dire n’importe quoi au « grand public », sinon ... il n’achète pas.

Ceci dit en passant, ce n’est sûrement pas la teneur un peu critique d’une préface qui peut détourner un lecteur potentiel du passage à l’acte. La quatrième de couverture me semble plus déterminante dans les choix d’une fragile poussière de « grand public » qui fréquente encore les librairies et qui garde plus de trente secondes en mains un ouvrage qu’une couverture attrayante lui aura fait distinguer entre mille.

Bah ! Il n’y a pas de quoi faire un fromage et, du reste, il y a pire tourment que de devoir remettre l’ouvrage sur l’établi ?

En fouillant dans les documents accumulés ces derniers temps sur mes deux héros, je suis tombé sur la photo de la page d’accueil du site taïwanais dédié à Lin Yutang, photo reproduite ci-contre et sur laquelle le vieil homme arbore un sourire désarmant. En le regardant aussi satisfait de lui, comment en vouloir à cet homme d’avoir pondu un si mauvais livre ?

Reste en suspens une interrogation de fond : pourquoi tous ceux de mes amis qui ont eu un livre de Lin Yutang en mains, l’ont-ils aussi franchement détesté ? Serait-ce à cause (je cite) de son ‘indécrottable misogynie’, son ’opportunisme puant’, son ‘paternalisme rétrograde’ ou seulement son ‘manque de génie littéraire’ ? Je repousse l’examen de se problème à un futur lointain, en me disant qu’un auteur qui aime Li Yu ne peut pas être si « mauvais », mais il faudra bien un jour approfondir.

Mais finissons-en avec cette Sagesse. S’il s’agit comme je le pense d’une commande d’éditeur, je ne peux décemment pas lui reprocher de l’avoir fait, puisque ma collaboration sur ce projet n’était finalement motivée que par le … profit. Comme quoi, et c’est ce que les événements actuels et la vie nous prouvent tous les jours, c’est - je ne suis pas le seul à le penser de temps en temps - Xunzi, et non Kongzi et Mengzi, qui avait raison : "l’homme est naturellement mû par l'amour du profit !" 人之性,生而有好利焉。

Il n’empêche qu’il a des manières plus agréables de passer un 11 novembre.

C’est décidé, je n’accepterai plus n’importe quoi, ou alors, il faudra y mettre le prix. Nobody’s perfect.

mardi 1 novembre 2005

Beijing bells

Lu dans la rubrique "news" de l’Enoweb l'annonce suivante :

Brian’s sound installation is currently running at Ritan Park, Beijing, China, as part of the British Council's "Sound And The City" project. It's on from 21 October – 20 November and the times are 14:00-20:00 each day.

Suivent les liens qui permettent d’en savoir plus sur cette installation à l’Autel du Soleil, fondé en 1531 par Jiaqing des Ming et remanié au XVIIIe siècle par Qianlong, dont cet article de
Jane Macartney du Times du 22 octobre.

Eno's bells cast a spell on park life

Musical pioneer’s latest work strikes a chord with Beijing’s elderly

BRIAN ENO, the avant-garde British musician, brought the sound of silence to an ancient park in the heart of Beijing yesterday where, for centuries, emperors have offered up sacrifices to the sun.

The Altar of the Sun is usually frequented by old men flying kites, young soldiers practising martial arts and elderly women performing their early morning
tai chi exercises. Yesterday the altar received what must be one of the strangest offerings to have come its way since it was built in 1531.

The mellow tone of gently chiming bells echoed around the circular walls that surround the square, flat-topped central altar. The sounds came from 16 CD players nestling at regular intervals around the foot of the wall. The small, silver gadgets on small black boxes were barely noticeable against the faded red walls topped by glistening green tiles, but they have caused quite a stir among park regulars.

“Is this supposed to be music?” asked one old woman of no one in particular as she walked across the altar’s flagstones around the altar on her way home through the park.

“Foreigners have so much money I suppose they can afford this. But what is it?”

Elderly Chinese gathered in the evening sunshine to peer curiously at the machines, clearly fascinated by the music.

They are the very audience that Eno wanted to reach. He said that he first visited China in March at the invitation of the British Council, which has organised the event,
Sound and Music, to enable the Chinese to hear something other than traditional concerts.

Eno said that he had been enthralled by the sight of China’s elderly in Beijing’s parks. “I looked at the life of old people and it is very beautiful and very moving,” he said. “Everybody makes music for younger people, but I wanted to make music for old people.”

He chose the park of the Altar of the Sun for a musical installation partly because of the old people, whom he saw dancing, exercising, singing, strolling, chatting and playing cards, and partly because it was the quietest place he had ever visited in a large city. To create music in such a tranquil spot posed particular challenges, he said. “It’s very dangerous to add music to a quiet place. People like quiet places because they’re quiet.”

So he searched for a sound that was not exactly music, would not “break” the silence but would instead intensify it. His answer was the bell.

Eno, who recently spent six months in Russia, used synthesised chimes to recreate what he thought a huge Russian bell called the Tsar Kolokol would sound like. The bell was cast in St Petersburg between 1733 and 1735 and is believed to be the largest ever made. However, it was damaged in a fire two years later and was never rung.

Fu Yangsheng, a gatekeeper for the nearby Divine Kitchen, where the imperial instruments of sacrifice were stored, was entranced. He squatted out in the chilly late autumn sun to listen. “Is this music? I don’t understand it, but it sounds really nice,” he said.

Ah, si seulement j'étais à Pékin !

On peut sans doute se faire une idée de ce que les visiteurs du Parc Ritan peuvent entendre en écoutant le CD intitulé January 07003. Belle Studies for the Clock of the Long Now dont il est question sur le site de la Long Now Foundation ou sur l'Enoshop qui fournit cette explication de BE sur son travail :

This record has grown out of the Long Now Foundation's project - the Clock of the Long Now. This is an idea to create a working clock which will mark time for ten thousand years - not really because we need more clocks in the world, but because we need more encouragement to start contemplating the possibility of a distant human future. The Clock of the Long Now is an icon to long-term thinking.
When we started thinking about The Clock, we naturally wondered what kind of sound it could make to announce the passage of time. I had nurtured an interest in bells for many years, and this seemed like a good alibi for taking it a bit deeper.
I began reading about bells, discovering the physics of their sounds, and became interested in thinking about what other sorts of bells might exist. My speculations quickly took me out of the bounds of current physical and material possibilities, but I considered some licence allowable since the project was conceived in a time scale of thousands of years, and I might therefore imagine bells with quite different physical properties from those we now know. And as I started trying to make bell sounds with my synthesizers, I got diverted by some of the more attractive failures.

dimanche 30 octobre 2005

Tous à vos brosses

Lin Yutang m’avait un peu détourné de petites habitudes que je retrouve avec beaucoup de plaisir. L’une d’entre elles est l’auscultation hebdomadaire du site d’Edward de Bono. Quelle joie de renouer avec elle et de découvrir une proposition aussi saugrenue que fort intéressante qui est de demander à tous ceux qui sont désireux de communiquer avec leurs congénères de signaler leur disponibilité par le port d’un signe distinctif, en l’occurrence, une brosse à dents !

Voici le texte en question intitulé “The Toothbrush Experiment

This is a repeat of last week's message because I want as many people as possible to take part in the experiment.
You could also wear the toothbrush as a 'flower' in your lapel.
I have often felt that there is a need for more human signals that go beyond the expression on a person's face. So I am setting out 'The Toothbrush Experiment' below.
People do not talk to each other enough. How often have you spoken to a stranger? It may be in a queue or sitting beside someone in a plane. It may even be someone at a table next to you in a cafe. People are shy and they do not want to intrude. Suppose that person signalled to you: "I am ready to talk to you". At once the intrusion problem disappears. Because people cannot keep saying this there is a need for a visual signal that indicates: "I am willing to talk to new people". A visual sign is permanent whereas a voice message is not.
This is where the 'toothbrush' comes in. Toothbrushes are normally kept in the bathroom. It would be most unusual to wear a toothbrush.
So if you wear a toothbrush in a prominent and visible position this signals to all around: "I am willing to talk to strangers".
Men could wear the toothbrush in the outside pocket of their jacket or suit. Women might have to attach the toothbrush to a brooch or a necklace.
In time some enterprising person may decide to make small 'toothbrush badges' which anyone can wear. There is no need to pay me a royalty for the idea - unless you want to!
In certain situations such as a bar or cafe you might even hold your toothbrush in your hand and wave it around to signal your openness.
What if you are pestered by someone you do not wish to talk to? You very ostentatiously remove the toothbrush and say "Good day to you" or "Good night to you". You can do this at any point in the conversation. If you want to emphasise the point you can say: "You will notice that the toothbrush is no longer in place!"
Now the experiment is to spread this idea in any way you can. You can tell friends about it. You can use the internet and e-mail. You can write pieces about the idea. It is up to your creative image in communication.
Let me know of any interesting experiences you have with the idea.

Je trouve cela d’autant plus drôle qu’en faisant une rapide recherche sur l’origine de la brosse à dents, objet qui aspire donc à devenir un signe de reconnaissance de l’homo volubilis ou homo sociabilis, j’ai découvert qu’on en attribuait très fréquemment l’invention aux ..... Chinois.

Natural bristle brushes were invented by the ancient Chinese who made toothbrushes with bristles from the necks of cold climate pigs.

Et oui, encore eux ! Certains sont même très précis et proposent le 26 juin 1498 pour date de naissance de l’invention jugée "la plus importante jamais réalisée par l’homme" par les Américains en janvier 2003 ! Et l’on rapporte donc qu’on aurait proposé un objet similaire à la brosse à dents qui ne sera couramment utilisée en Europe qu’à partir du XVIIe siècle, à l’empereur de Chine lequel l’aurait adopté. Reste donc à vérifier que l’empereur Xiaozong 孝宗 qui règna pendant les 18 ans de l’ère Hongzhi 弘 治 (1488-1505) des Ming 明 (1368-1644), est bien le premier empereur de Chine à se brosser les dents comme nous aujourd’hui, et ce depuis la onzième année de son règne.

Il semblerait, en fait, que l’on puisse remonter encore plus haut, car le terme chinois, yashua 牙刷 apparaît déjà dans une poésie de la dynastie Yuan (1279-1368). L’équivalent anglais, toothbrush, n’intervient quant à lui qu’en 1651, selon l’Online Etymology Dictionary

Il faudra donc y revenir. C’est, à n’en pas douter, un excellent sujet de recherche qui pourrait être élargi à bien d’autres aspects de l’hygiène corporelle. Ah, si j’étais jeune !

samedi 29 octobre 2005

Operae pretium

J'ai trouvé chez Burton (Robert) dans “Démocrite Junior à son lecteur” (p. 77), long prélude (80 pages) à son excellent opus déjà cité le passage suivant :

Qui peut les lire tous ? Car désormais nous voilà devant un amas, un chaos de livres ; nous en sommes oppressés, les yeux brûlés de lire les pages, les doigts de les tourner.

Plus loin (p. 80), il écrit :

Lecteur, tu ne peux pas avoir de moi une plus piètre idée que moi-même. Rien ici ne vaut la peine d’être lu, j’y consens, je te prie de ne pas perdre ton temps à te pencher sur un si vain sujet. Je serais moi-même tout aussi réticent à lire un tel écrivain, toi ou un autre, ce n’est pas operae pretium - cela n’en vaut pas la peine.

Evidemment, il ne faut surtout pas le prendre au pied de la lettre ; sa longue mise en garde est un régal d’humour et de pertinence, à lire et à relire.
Reste tout de même à mettre sur pied une stratégie pour ne plus lire n’importe quoi - ceci dit, en ne lisant que des auteurs morts et enterrés depuis des lustres, je risque beaucoup moins que ceux qui incluent dans leur tableau de chasse les contemporains.
Voici deux pistes à explorer.

Si l’on en croit ce qu’écrit Antoine Compagnon (Le démon de la théorie, 1998), dans “L’angoisse de lire” (article du Magazine littéraire n° 400 (2001), p. 18-19, repris dans le numéro hors-série, “Les écrivains et la mélancolie” des “Collections du ML”, n° 8 (oct-nov 2005), p. 22-23) :

Il y a deux sortes de livres, les livres dont vous sortez changé pour toujours et les autres. Un livre qui vous laisse tel quel n’est pas un livre qui valait la peine.


N’est-ce pas là un excellent critère de sélection ? Dommage qu’il arrive un peu tard, car on n'est enfin éclairé sur la nature du livre en question que lorsqu’on l’a achevé.

Par contre, un peu plus haut dans la même section de l’article (‘Contre la lecture facile’), s’en dessine un autre plus efficace, car il permet d’interrompre le processus en cours de route, et donc perdre moins de temps :

Pour ne rien dire du début de la lecture, tout aussi dérangeant, pendant des pages et des pages - trente, soixante, cent -, avant que je ne repère, que je ne trouve mes marques, que je ne me sente chez moi dans le monde du roman. Un livre dans lequel on entre comme dans du beurre, c’est probablement un livre qui ne vaut pas la peine.

Bien entendu rien n’empêche de lire de temps en temps quelque nullité confirmée, voire même d’en traduire ! : il y a toujours quelque chose à en tirer (un délassement, un compte-rendu critique, des exemples à ne pas suivre, l’occasion de pester, des blagues à conter, ou des sous à compter).

vendredi 28 octobre 2005

De Kong à Li

Fini, achevé, bouclé, plié, empaqueté, ficelé : ouf ! Exit Lin Yutang, exit Confucius. Vive le reste, tout le reste ....

Un peu plus de sept mois se sont écoulés depuis la création de la rubrique Confusionisme dans ce PiKaBlog. Sept mois fort occupés. Celui qui s’achève le fut quasi exclusivement au toilettage de La Sagesse de Confucius pour les Editions Philippe Picquier. J’avais en mars dernier des doutes sur la nature du projet. Maintenant, j’ai des certitudes : The Wisdom of Confucius n’est pas un bon Lin Yutang.

Avec la fin de ce marathon somme toute enrichissant (bien que fort modestement rémunérateur), j’aspire à un court repos, repos que j’estime bien mérité n’en déplaise à ceux qui liront l’ouvrage en question dans quelques semaines. Malheureusement, les conditions pour en jouir ne sont pas réunies : un nouveau site à alimenter (PiK-UP) et du retard dans la mise à disposition de cours : patience, patience, svp, merci ! Dans tous les cas, je vais mettre un peu de distance entre moi et Confucius.

Par la même occasion, s’en est peut-être fini aussi (pour un temps au moins) de cette rubrique (en tout 26 entrées, celle-ci comprise). Elle m’aura été d’un grand secours pour rédiger la préface que je viens de livrer. On y retrouve beaucoup d’éléments égrainés au fil des mois du “Confucius de ...” à cette recherche en paternité de la latinisation du nom du Maître. Ceci administre la preuve qu’on ne perd pas forcément son temps à bloguer. Au contraire, c’est un excellent moyen d’accumuler des notes (plus ou moins rédigées) qui n’attendent qu’une occasion de prendre du service dans un autre contexte. Certes, certaines rubriques n’ont pas grand-chose à livrer à la postérité, mais elles n’en constituent pas moins un utile exutoire, et à ce titre, méritent d’exister.

Puisque je veux, dès que possible, me replonger dans Li Yu, je vais devoir créer une rubrique sur mon auteur chinois préféré. Mais comment l’appeler ? Certes, il n’y a pas le feu. Le projet qui va m’occuper dans les 18 mois à venir est la traduction du Shi’er lou de cet auteur d’exception. 12 nouvelles en tout ! Un gros morceau.

mercredi 26 octobre 2005

Rien n'est plus doux

"Rien n'est plus doux que la mélancolie", annonce Robert Burton (1577-1640) dans l'"Abrégé de la mélancolie" par lequel Gisèle Venet ouvre le choix de textes tirés et traduits de l'Anatomie de la mélancolie qui vient de paraître chez Gallimard dans la collection "Folio/Classique" (n° 4255, 2005, 463 pages). Enfin une Anatomie portable, à taille humaine, et tout terrain : en fait, l'ouvrage n'offre que 350 pages de textes fort bien annotés et pas moins de 100 pages d'appareil critique d'un grand intérêt. L'index des auteurs cités (p. 429-456) fait apparaître quelque 700 noms, dont Matteo Ricci pour (au moins) un passage qui se trouve page 121. Le passage sur Kepler dont il fut naguère question ici, est traduit page 229 :

"Pour les planètes, il accorde qu'elles peuvent être habitées, mais il met en doute ce qui touche aux étoiles; de même Tycho Brahé, dans ses Epitres astronomiques, en considérant l'immensité de l'espace, tient des propos similaires, disant qu'il ne peut croire que des corps célestes aussi grands et vastes n'aient été faits que pour ce qu'ils apparaissent à nos yeux, pour illuminer la Terre, un point minuscule par rapport à l'ensemble. Mais qui devrait habiter ces corps, ces terres, ces mondes immenses, s'ils sont habités ? Des créatures douées de raison ? - demande Kepler - Ont-elles des âmes à sauver ? Ou habitent-elles un monde meilleur que le nôtre ? Qui, d'eux ou de nous, sont les seigneurs du monde ? Et comment toutes choses seraient faites pour l'homme ?"

Une note indique que l'interrogation "Ont-elles des âmes à sauver ?" n'est pas de Kepler, mais correspond à une préoccupation de Burton lui-même. Quant à Tycho Brahé (1546-1601), on apprend page 454 qu'il s'agit d'un astronome danois auteur d'un livre intitulé Astronomiae instauratae mechanica (1598).

Voici, pour conclure cette invitation à découvrir le livre qui remplit mes rares moments de repos, la quatrième de couverture de la présente édition :

Ce livre est la plus célèbre encyclopédie de la mélancolie : ce " mal anglais ", comme on l'appelle au XVIIe siècle, Robert Burton (1577-1640), savant d'Oxford, veut le soigner " à l'anglaise ", en évitant par-dessus tout l'oisiveté dont, en bon protestant, il fait la source de tous les maux. Des promenades dans la campagne, avec " l'épagneul de sa mélancolie " pour humer des pistes, et l'étude acharnée de tous les livres sur le sujet, travail d'une vie entière, dans la bibliothèque de Christ Church, " le plus florissant collège d'Europe ", seront la meilleure cure apportée à sa propre maladie, donnant lieu de surcroît à l'écriture proliférante, baroque, en méandres multiples, de son grand ouvrage.

Sans aucun doute plus intéressant que le prochain Goncourt, quelque soit le choix de la docte académie.