vendredi 18 novembre 2005

Stercus cuique bene olet

Une panne d'internet est toujours salutaire pour la lecture. Grâce aux défaillances de Wanadoo donc, je me suis plongé hier soir dans le dernier ouvrage de Simon LEYS, lequel a pour titre Les idées des autres idiosyncratiquement compilées par Simon Leys pour l'amusement des lecteurs oisifs (Paris : Plon, 2005), au prix un peu abusif de 14 euros pour seulement 135 pages.

Je ne regrette pas mes sous car c'est un festival de bons mots et de pensées bien formulées qu'a su réunir le grand sinologue qui nous fait partager là ses trouvailles volées à pas moins de 180 auteurs différents de toutes les époques et de toutes les cultures, soit un bon demi-millier de citations réparties en quelque 170 rubriques rangées en ordre alphabétique.

Pour la Chine, notons les noms de quelques célébrités Gong Xian (1599-1689)(1x), Jia Dao (779-843) (1x), Li Bai (701-762) (1x), Sima Qian (vers 145 - 90 av. J.-C.) (2x), Su Dongpo (1037-1101) (4x), Wang Wei (701-761)(1x), Wei Yingwu (737- vers 792)(1x), Xin Qiji (11400-1207) (1x), Xun Zi (vers 313-238 av. J.-C.) (1x), Zhuangzi (vers 396-286 av. J.-C.)(3x) et le bon Confucius (551-479 av. J.-C.) (4x) et un Jiang Jie (1x) que je ne suis pas parvenu à identifier. Les citations chinoises apparaissent en chinois, dans une élégante calligraphie, et en français.

Page 85, figure une maxime empruntée à la "Biographie du Prince Shang" alias Shang Yang 商鞅 ("Shang Jun liezhuan" 商君列傳) rédigée par Sima Qian 司馬遷 pour ses Mémoires historiques 史記 (Shiji, 68.8) : Qian ren zhi nuonuo, buru yi shi zhi e'e 千人之諾諾不如一士之諤諤

Pour elle, Leys alias Ryckmans (Pierre) a forgé une traduction très percutante :

"Les oui-oui de la foule ne valent pas le non-non d'un seul honnête homme".

Dans sa traduction de la biographie, Jacques Pimpaneau (Sima Qian, Mémoires historiques. Vies de Chinois illustres. Arles : Picquier, "Picquier Poche", n° 187, 2002, p. 73) la rend plus platement par : "L'approbation de mille personnes ne vaut pas les critiques d'une seule". Roger Darrobers (Proverbes chinois. Paris : Seuil, "Points/sagesse", Sa 109, 1996, p. 50) propose quant à lui : "Mieux vaut les critiques d'un seul homme que l'assentiment de mille."

La citation de Sima Qian intervient dans la rubrique "NON" pour laquelle Leys convoque également Chamfort (Sébastien-Roch-Nicolas) (1741-1794). Son intervention, (réelle ou attribuée) ne semble pas tirée de son œuvre posthume Maximes, pensées, caractères et anecdotes (1795) - SL ne fournit pas les références des citations. Elle finit ainsi :

"Savoir prononcer ce mot et savoir vivre seul sont les seuls moyens de conserver sa liberté et son caractère."

Chamfort, encore - il apparaît six fois dans l'ouvrage - à la rubrique "Amis" cette fois :

"Dans le monde, vous avez trois sortes d'amis : vos amis qui vous aiment, vos amis qui ne se soucient pas de vous, et vos amis qui vous haïssent".

Chamfort, toujours, pour finir, à la rubrique "Rire" :

"La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri".

Allez, encore une, fort juste et bien tournée, cette fois prise à Erasme (vers 1467-1536) - représenté ici par Hans Holbein (Le jeune) (1497-1543) (c'est l'illustration de couverture du livre de S. Leys) -, d'abord en latin : "Stercus cuique bene olet", puis dans sa traduction française : "Chacun trouve que sa propre merde sent bon".

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