mardi 13 septembre 2005

God, God, Godius

Il y aurait beaucoup à dire sur l'efficacité et les limites des moteurs de recherche sur internet. Pour aujourd'hui, je me contenterais de signaler une des dernières surprises procurées par Imperator Google qui, à l'interrogation saugrenue "Confucius Dieu", m'a directement dirigé vers un texte du Marquis de Sade (2 juin 1740-2 décembre 1814) mis à la disposition des lecteurs francophones par un site entièrement consacré au Marquis, site dont voici la profession de foi :

Ce site est consacré à la littérature et à l'œuvre de Sade. Il n'est nullement dans son esprit de répondre à un quelconque voyeurisme ou sensationalisme. Contrairement à d'autres sites qui ne proposent que des extraits choisis pour leur caractère graveleux, les textes sont ici présentés dans leur version intégrale, par respect pour l'auteur et son oeuvre. Ces textes sont avant tout destinés à des lecteurs adultes avertis qui en apprécieront le caractère littéraire, philosophique ou érotique. Cette littérature, longtemps combattue et censurée, a été réhabilitée par Guillaume Apollinaire et les surréalistes et a sa place de plein droit dans toute bibliothèque, même s'il s'agit du rayon du haut bien sûr. L'édition de référence, la bibliothèque de la Pléiade, consacre d'ailleurs trois volumes à Sade, dont les fameux romans La Nouvelle Justine et Histoire de Juliette. Dès lors, la présence sur Internet de l'oeuvre de cet éternel insoumis s'imposait.

Suit un catalogue comprenant une dizaine d'oeuvres de Sade dont le Dialogue entre un prêtre et un moribond de 1782. Voici les deux passages qui justifient le renvoi à ce court texte lu il y a des lustres et dont je possédais un tirage aux Editions Mille et une nuits (Paris, 1993) en attente d'une occasion de relecture du type 'temps court à tuer dans une salle d'attente' (les passages figurent respectivement page 14 et page 18) :

Le moribond : Pourquoi pas, rien ne m'amuse comme la preuve de l'excès où les hommes ont pu porter sur ce point-là le fanatisme et l'imbécillité; ce sont des espèces d'écarts si prodigieux, que le tableau selon moi, quoique horrible, en est toujours intéressant. Réponds avec franchise et surtout bannis l'égoïsme. Si j'étais assez faible que de me laisser surprendre à tes ridicules systèmes sur l'existence fabuleuse de l'être qui me rend la religion nécessaire, sous quelle forme me conseillerais-tu de lui offrir un culte? Voudrais-tu que j'adoptasse les rêveries de Confucius, plutôt que les absurdités de Brahma, adorerais-je le grand serpent des nègres, l'astre des Péruviens ou le dieu des armées de Moïse, à laquelle des sectes de Mahomet voudrais-tu que je me rendisse, ou quelle hérésie de chrétiens serait selon toi préférable? Prends garde à ta réponse. .../...

un peu plus tard, le moribond est encore bien loin d'avoir rendu son dernier souffle (du reste c'est lui qui aura le dernier mot) :

Le moribond : Va, prédicant tu l'outrages ton dieu en me le présentant de la sorte, laisse-moi le nier tout à fait, car s'il existe, alors je l'outrage bien moins par mon incrédulité que toi par tes blasphèmes. Reviens à la raison, prédicant, ton Jésus ne vaut pas mieux que Mahomet, Mahomet pas mieux que Moïse, et tous trois pas mieux que Confucius qui pourtant dicta quelques bons principes pendant que les trois autres déraisonnaient; mais en général tous ces gens-là ne sont que des imposteurs, dont le philosophe s'est moqué, que la canaille a crus et que la justice aurait dû faire pendre.

Avant de refermer le chapitre Sade, peu productif au demeurant, bien que fort revigorant !, on peut déjà aller jeter un coup d'oeil sur l'article consacré à l'écrivain par John Philips dans The Encyclopedia of Erotic Literature à paraître chez Routledge l'année prochaine.

Mais reprenons notre jeu en sollicitant Gooooogle cette fois avec la recherche croisée "Confucius God". Elle ne conduit plus à Sade et au Dialogue pourtant présent en anglais sur le net, mais (entre autres réponses, c'est-à-dire la 9ème des 659 000 proposées pour être précis) aux écrits d'un polygraphe à l'allure joviale d'un Freewheelin'Franklin (un des Freak Brothers de Gilbert Shelton (1940-) ) portant le nom de Sanderson Beck lequel livre au milieu d'une masse impressionnante d'écrits sur une multitude de sujets, une longue comparaison entre Confucius et .... Socrate (justement le document signalé par Google).
On notera au passage que Mr Beck signale dans sa biographie l'ouvrage de Lin Yutang, The Wisdom of Confucius, constatation qui me ramène à la dure réalité et m'invite à retourner au plus vite au travail. Mamamia !

Aller, juste une dernière googolerie pour finir : un des 20 100 liens proposés pour "Confucius Mahomet" conduit au site d'un libraire de Turin qui vend un ouvrage paru à Paris (Buisson) en 1787 et qu'aurait donc pu lire le divin Marquis dans sa cellule de la Bastille : Pastoret E.C.J.P. de, Zoroastre, Confucius et Mahomet, comparés comme Sectaires, Legislateurs et Moralistes; avec le Tableau de leurs Dogmes, de leurs Lois, de leur Morale. Sans aucun doute passionnant, mais un peu cher (230 €).

L'illustration ici présente, justement rencontrée à l'occasion de ces futiles déambulations webesques, est donnée pour l'œuvre d'un certain Li Wei San (China). Elle est sous-titrée "Confucius hearing Jesus talks about the Word" sur le site de l'Asian Christian Art Association basée en Indonésie (Yogyakarta). Surprenant, non ?

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