Pour 0,0824 € la page - prix somme toute assez raisonnable à côté des 10,47 centimes d’€ par page que coûteront aux imprudents curieux les Galantes chroniques de renardes enjôleuses (Picquier, “Pavillon des corps curieux”) -, on peut lire grâce aux éditions Allia (Paris) la troisième édition (2003) de la réédition en 74 pages de la traduction qu’Hughes Rebell réalisa en 1906 (!) de The Decay of Lying. An Observation d’Oscar Fingall O’Flahertie Wills Wilde (Dublin, le 15 octobre 1856, Paris, 30 novembre 1900). L’ouvrage est paru sous le titre Le Déclin du mensonge. Cette version bientôt centenaire mérite assurément d’être dégustée en compagnie de la version originale, ce qui est facile car le texte de Wilde est accessible ici, là et sans doute ailleurs encore. On connaît la thèse développée par Wilde dans ce fin dialogue datant de 1889 mais revu en 1891. Elle est dûment résumée par l’auteur dans les trois dernières pages : “L’Art n’exprime que lui”, “tout art mauvais vient d’un retour à la Vie et à la Nature et de leur élévation au titre d’idéal”, “la Vie imite l’Art beaucoup plus que l’Art n’imite la Vie” et “la révélation finale est que le Mensonge, le récit de belles choses fausses, est le but même de l’Art.”. On croise chemin faisant des formules très percutantes du type de celles-ci : “La littérature devance toujours la vie. Elle ne la copie pas mais la modèle à son gré” ; “très heureusement, l’art ne nous a jamais dit la vérité” ; “l’Art lui-même est en réalité une forme d’exagération ; et le choix, l’esprit même de l’Art, n’est rien de plus qu’un mode d’emphase” ; “la limitation, la condition même de tout art, c’est le style” ; “le réalisme est une faillite complète”, ou encore “l’imitation peut devenir la forme la plus sincère de l’inculte”. Si les précédentes citations risquent de souffrir d’être lues hors contexte, certaines peuvent s’en échapper sans grand risque : Les seuls portraits auxquels on croit sont ceux où il y a peu du modèle et beaucoup de l’artiste. J’aime particulièrement ces deux-là : “I quite admit that modern novels have many good points. All I insist on is that, as a class, they are quite unreadable”, ainsi traduit : “J'admets volontiers que les romans modernes sont bons en bien des points. Tout ce que j'entends affirmer, c'est qu'en masse, ils sont tout à fait illisibles” et "If one cannot enjoy reading a book over and over again, there is no use reading it at all", ainsi traduit : Si l’on ne peut trouver de jouissance à lire et à relire un livre, il n’est d’aucune utilité de le lire même une fois. C’est l’occasion de sortir ce passage de la “Préface” au Portrait de Dorian Gray [The Picture of Dorian Gray (1891)] dans laquelle Wilde écrivait : The artist is the creator of beautiful things. There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all. No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved. All art is quite useless. L'artiste est le créateur de belles choses. Il n'y a pas de livre moral ou immoral. Les livres sont bien ou mal écrits. Voilà tout. Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même ce qui est vrai peut être prouvé. Tout art est relativement inutile. En illustration le célèbre portrait d’O.W. réalisé en 1882 par Napoleon Sarony (1821-1896). |
jeudi 15 décembre 2005
Belles choses fausses
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