Préface d’Aldous Huxley (1894-1963)
à la traduction par Jules Castier de
Brave New World
sous le titre Le Meilleur des mondes.
(Non datée, extrait)
à la traduction par Jules Castier de
Brave New World
sous le titre Le Meilleur des mondes.
(Non datée, extrait)
« Tout livre est le produit d’une collaboration entre l’écrivain et ses lecteurs. Se fiant à cette collaboration, l’écrivain suppose l’existence, dans l’esprit de ses lecteurs, d‘une certaine somme de connaissances, d’une familiarité avec certains livres, de certaines habitudes de pensée, de sentiment et de langage. Sans les connaissances nécessaires, le lecteur se trouvera inapte à comprendre le sujet du livre (c’est le cas ordinaire chez les enfants). Sans les habitudes appropriées de langage et de pensée, sans la familiarité nécessaire avec une littérature classique, le lecteur ne percevra pas ce que j’appellerai les harmoniques de l’écriture. Car, ainsi qu’un son musical évoque tout un nuage d’harmoniques, de même la phrase littéraire s’avance au milieu de ses associations. Mais tandis que les harmoniques d’un son musical se produisent automatiquement et peuvent être entendus de tous, le halo d’associations autour d’une phrase littéraire se forme selon la volonté de l’auteur et ne se laisse percevoir que par les lecteurs qui ont une culture appropriée.
Dans une traduction les tons seulement sont entendus, et non leurs harmoniques - non pas, en tout cas, les harmoniques de l’original ; car il va sans dire qu’un bon traducteur essaiera toujours de rendre cet original en des mots qui ont, pour le nouveau lecteur, des harmoniques équivalents.
Il y a pourtant certaines choses qu’aucun traducteur ne peut rendre, pour la bonne raison qu’il n’existe, entre lui et l’auteur de l’original d’un côté et les nouveaux lecteurs de l’autre, aucune base de collaboration. Certains passages de ce volume appartiennent à la catégorie des choses intraduisibles. Ils ne sont pleinement significatifs qu’à des lecteurs anglais ayant une longue familiarité avec les pièces de Shakespeare et qui sentent toute la force du contraste entre le langage de la poésie shakespearienne et celui de la prose anglaise moderne (...) »
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