I. ... « l'université moderne devrait être sans condition. Par « université moderne », entendons celle dont le modèle européen, après une histoire médiévale riche et complexe, est devenu prévalent, c'est-à-dire « classique », depuis deux siècles, dans des Etats de type démocratique. Cette université exige et devrait se voir reconnaître en principe, outre ce qu'on appelle la liberté académique, une liberté inconditionnelle de questionnement et de proposition, voire, plus encore, le droit de dire publiquement tout ce qu'exigent une recherche, un savoir et une pensée de la vérité. [...] L'université fait profession de la vérité. Elle déclare, elle promet un engagement sans limite envers la vérité. Sans doute le statut et le devenir de la vérité, comme la valeur de vérité donnent-ils lieu à des discussions infinies [...] Mais cela se discute justement, de façon privilégiée, dans l'Université et dans les départements qui appartiennent aux Humanités. » Ce passage provient des pages 11 et 12, le début de L'Université sans condition de Jacques Derrida [Paris : Galilée, 2001, 79 pages]
A la page 67, on lit : « Les Humanités de demain, dans tous les départements, devraient étudier leur histoire, l'histoire des concepts qui, en les construisant, ont institué les disciplines et leur ont été coextensifs. [...] 1. Ces nouvelles Humanités traiteraient de l'histoire de l'homme, de la figure et du « propre de l'homme » [...] 2. Ces nouvelles Humanités traiteraient [...] de l'histoire de la démocratie et de l'idée de souveraineté, c'est-à-dire aussi, bien sûr, des conditions ou plutôt de l'inconditionnalité dont on suppose [...] que l'université, et en elle les Humanités, en vivent. [...] 3. Ces nouvelles Humanités traiteraient [...] de l'histoire de "professer", de la "profession et du professorat. [...] 4. Ces nouvelles Humanités traiteraient [...] de l'histoire de la littérature. Non seulement de ce qu'on appelle couramment histoire des littératures ou la littérature même, avec la grande question de ses canons (objets traditionnels et incontestés des Humanités classiques) mais l'histoire du concept de littérature, de l'institution moderne nommée littérature, de ses liens avec le droit de tout dire (ou de ne pas tout dire) qui fonde aussi bien la démocratie que l'idée de souveraineté inconditionnelle dont se réclame l'université et en elle ce qu'on appelle, dans et hors départements, les Humanités. .....
Page 78, encore : « L'université sans condition ne se situe pas nécessairement, ni exclusivement, dans l'enceinte de ce qu'on appelle aujourd'hui l'université. Elle n'est pas nécessairement, exclusivement, exemplairement représentée dans la figure du professeur. Elle a lieu, elle cherche son lieu partout où cette inconditionnalité peut s'annoncer. Partout où elle (se) donne, peut-être, à penser. Parfois au-delà même, sans doute, d'une logique et d'un lexique de la « condition ». »
La dernière phrase : « Prenez votre temps mais dépêchez-vous de le faire, car vous ne savez pas ce qui vous attend. »
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