Pour inaugurer cette nouvelle rubrique, je vais m’attacher - plutôt qu’à énoncer une profession de foi et des objectifs datés -, à dénoncer une petite erreur, une infime bévue qui s’est glissée dans un texte consacré justement à Li Yu 李漁. Le mal n’est pas bien grand et, qui plus est, limité à la version française d’un des sous-chapitres du chapitre 15 de l’encyclopédie en ligne China ABC [Zhongguo baike 中国百科] sous site du sous site français du mega site web de la C[hina] R[adio] I[nternational] Online [Zhongguo Guoji Guangbo Diantai 中国国际广播电台]. Or donc, on trouve sur cette page, agrémentée du cliché représentant la statut de Li Yu qui trône au Jieziyuan 芥子園 - sorte de Musée dédié à Li Yu construit à Lanxi 蘭溪 (près de Jinhua 金華 au Zhejiang 浙江) -, une courte biographie intitulée “Li Yu, auteur dramatique chinois du 17e siècle”. Celle-ci reprend les faits les plus connus et les plus souvent imaginés concernant Li Yu. Il insiste sur l’originalité du parcours de cet auteur dramatique qui en plus d’avoir composé “une grande quantité de pièces de théâtre, a également formé une troupe pour les interpréter”. Il rappelle qu’il fut “metteur en scène”, et qu’il “s’est également fait remarquer comme écrivain.” |
“On peut ainsi citer « A mari jaloux, femme fidèle », « le Pavillon des jades » ou son roman le plus célèbre « De la chair à l’extase ». En puisant son inspiration dans ses propres expériences et connaissances, Li Yu a exploité un certain espace de création que seul un caractère individualiste prononcé pouvait développer. Dans ses romans, l’utilisation le plus souvent de la critique inversée était en fait un moyen de s’opposer à certaines idées traditionnelles.”
Ce n’est pas le concept de “critique inversée” qui m’a le plus fait sourire, mais le choix des titres retenus pour évoquer l’œuvre romanesque de Li Yu. Passe encore qu’on y retrouve les titres des traductions parues chez Picquier, savoir A mari jaloux, femme fidèle pour rappeler les Wushengxi 無聲戲 et De la chair à l’extase pour Rouputuan 肉蒲團, mais là où cela déraille, c’est lorsque le rédacteur en vient à évoquer Shi’er lou 十二樓 qui ne peut naturellement pas donner Le Pavillon des jades !
Un coup d’œil sur certaines des quarante autres versions [savoir l’anglaise, la japonaise, la mongole, l’arabe, la coréenne, la vietnamienne, la tchèque, l’italienne, la polonaise et l’allemande, sans oublier la version en espéranto et une autre dont je vous laisse deviner l’origine] montre que l’on a, à chaque fois, affaire à une variation plus ou moins libre réalisée à partir d’un même texte en chinois qui n’est pas celui proposé en caractères simplifiés, ni même celui en caractères non simplifiés.
Qu’elle que soit sa source, chaque traducteur s’est trouvé confronté à des titres qu’il a choisi de traiter à sa manière : contourner la difficulté en sautant le passage, retenir la facilité en les transcrivant en pinyin, sans remettre au chinois en les utilisant tel quel comme dans le cas du japonais ou encore, effort notable, en faisant œuvre créatrice en les traduisant, ou, ... simplement, en en donnant l’illusion.
Gageons que notre traducteur francophone - lequel ne se débrouille pas si mal que cela -, a dû hésiter un moment avant de se résoudre à emprunter des titres déjà utilisés à un catalogue d’éditeur ou un site web.
C’est ainsi que pour Shi’er lou, à la place de Douze pavillons [traduction pas forcément idéale, mais pratique et parlante], nous n’en avons plus qu’un seul en jade !
Ceci dit en passant, Le Pavillon des jades, traduction de Bi Yu Lou 碧玉樓 ne figure pas au catalogue Picquier en ligne nouvellement ouvert et accessible > ici < , pas plus que dans le dernier catalogue papier de l’éditeur ! Son avenir est sans aucun doute compromis. Ce n’est, fort heureusement, pas le cas des Carnets secrets qu’évoque notre traducteur inconnu sous le titre piquant suivant : « Lettres des humeurs ».