dimanche 6 février 2005

Grand criminel subtil

Lu dans "Rebuts de presse" de Didier Jacob (Jeudi 03 février 2005), cette note intitulée "Le Sollers subtil" :

Le problème, avec Philippe Sollers, c'est qu'il a l'adjectif fourbe. Je ne dis pas qu'il est fourbe. Mais sa manière de décrire, dans sa dernière chronique du JDD [Journal du Dimanche], Mao comme un « grand criminel subtil » ! La subtilité du criminel aura sans doute échappé aux millions de personnes exilées, emprisonnées, torturées, assassinées sous le régime du tyran chinois. Elle n'a donc pas échappé à Sollers, qui est bien le plus chinois d'entre nous. La formule, curieusement, n'a pas déclenché l'ombre d'une réprobation. Mao subtil, comme une lettre à la poste ! Si Le Pen avait parlé d'Hitler comme d'un grand criminel subtil, vous auriez vu, et Dieu merci, le tollé. Mao, non. Sollers n'est, bien sûr, pas Le Pen, mais sa phrase est lepéniste par essence : elle laisse planer un doute comme, récemment, le fit Le Pen sur Oradour. Elle est, surtout, machiavélique, et très mitterrandienne, en ce qu'elle ne dévoile rien de ce qu'elle est supposée signifier.

vendredi 4 février 2005

Bloc notes

Le déferlement de livres et d'articles sur, contre ou pour B.H.L. sur le net et dans la presse m'a amené à relire l'article que Simon Leys (Pierre Ryckmans) avait consacré aux Impressions d'Asie. Paru en février 1986 dans le n° 125 de Lire, il a été repris dans L'humeur, l'honneur, l'horreur (1991). On le retrouve également dans les Essais sur la Chine (Paris : Robert Laffont, coll. "Bouquins", 1998, p. 811-813).

C’est un vrai régal. En voici un extrait. Ce n'est peut-être pas le plus piquant mais il stigmatise bien ce goût de la mise en scène de soi qu'on reproche si souvent au philosophe :

Un critique a reproché à ce livre de contenir vingt-quatre portraits de l'auteur. (Pour ma part, j'en ai compté vingt-sept.) Et pourtant, tout bien réfléchi, là n'est pas le coeur du problème ; après tout, imagineriez-vous Tintin en Amérique sans Tintin ? Au fond, il n'y a pas de règles : comme le faisait Henry James, en littérature tout est permis ------- aussi longtemps que vous intéressez le lecteur. En principe, il ne devrait donc pas être impossible d'écrire un livre sur le thème "l'Extrême-Orient et Moi" ---- tout dépend de la nature et du calibre du "Moi" en question. En d'autres mots, pour emprunter le langage de l'auteur, on pourrait peut-être dire que le problème de ce dernier se situe dans l'ordre de l'Être. Pour que des Impressions d'Asie de M. Lévy puissent vraiment intéresser, au départ, il faudrait d'abord que M. Lévy fût. Et sitôt qu'il aura remédié à cette carence ontologique, il nous captivera, même avec des Impressions de Pontoise.

Les hasards de la recherche sur internet m'ont fait tomber sur le relevé des propos échangés sur un forum (Nouvel Observateur, 5/5/2004) entre B.H.L. et des internautes.
Voici, in extenso, les réponses faites à un internaute qui se souvient de Simon Leys :

question > Bonjour Bernard-Henri. Je tenais à vous dire que j'admirais déjà votre intelligence et votre courage (intellectuel comme physique - cf. votre présence dans certaines régions en guerre), ainsi que votre capacité à encaisser les coups (attaques -souvent convenues- en tous genres, p. ex.) Vous êtes fait en béton armé, ma parole! Ma question : souffrez-vous de ces attaques? Vous arrive-t-il, encore aujourd'hui, de mal dormir à cause d’attaques que vous estimez basses ou scandaleuses (émanant souvent -ai-je remarqué- de gens qui, par le passé, se sont trompés politiquement... et qui vous en veulent sans doute de vous être rarement trompé)? Merci !

BHL > Merci. Mais rassurez-vous. Les attaques de ce genre ne m'atteignent, en effet, pas. Et puis... je dors peu mais bien.

question
> Tant que j'y suis, une autre question : comment expliquez-vous qu'un type comme Philippe Sollers, qui s'est pitoyablement ramassé niveau politique, continue à faire le malin à la télé, se hasardant même à continuer à parler politique, sans aucun scrupule, sans aucun complexe, sans un mot d'excuse pour les gens qui ont souffet des idéologies qu'il a courageusement soutenues à des dizaines de milliers de km des lieux où elles étaient mises en pratique ? Il n'était certes pas le seul à être mao dans les années 70, il faut sans doute se replacer dans le contexte de l'époque, mais ma question est la suivante : comment expliquez-vous que Sollers continue à palabrer, alors qu'un gars comme Simon Leys qui, lui, au moins parlait chinois, qui comprenait donc la presse officielle maoïste, et qui était en mesure de lever les impostures du régime maoïste, se faisant donc (!!) insulter copieusement par Sollers... comment expliquez-vous que le dit Simon Leys soit si peu admiré aujourd'hui pour sa lucidité d'alors, et soit presque oublié (politiquement, j’entends) ? Bref : comment expliquez-vous que celui qui s'est planté soit partout, et celui qui a eu raison nulle part ? Merci.
(PS - je n'ai rien de personnel contre Philippe Sollers, qui est assurément un grand écrivain ;-))

BHL > Voilà, oui. Très grand écrivain. Et quant à la Chine, retournez aux textes: vous verrez que les choses sont plus compliquées que vous ne semblez le croire. Je m'en explique, notamment, dans un chapitre de mon recueil de bloc-notes.

Tombe enfin la conclusion de B.H.L. en personne :

> A tous: au revoir; merci pour cette conversation qui, si peu philosophique fût-elle, n'en était pas moins passionnante. J'ai essayé de répondre au maximum d'entre vous. Mais vous étiez trop nombreux. 271 messages: il paraît que c'est un record ! Pardon à ceux pour lesquels le temps a manqué. Un dernier mot. Je n'ai pas de site personnel et, encore moins, officiel (quelle horreur!!!). Il y a, en revanche, un site créé, en français, par une universitaire américaine qui contient beaucoup d'informations, de documents, d'articles anciens, etc. Ce professeur s'appelle Lilian Lazar. Je pense qu'on trouve les coordonnées du site en tapant mon nom sur Google. A bientôt.

La curiosité m'y a poussé. Rien sur le "recueil de bloc-notes" invoqué plus haut.
Si quelqu'un dispose d'un exemplaire de l'ouvrage en question, je suis preneur d'une copie du chapitre ad hoc.

Correspondances

22 ans après le long article qu'il avait consacré au Père Huc, "Les tribulations d’un Gascon en Chine", Simon Leys livre sa lecture des quelque 1500 lettres de la Correspondance de Victor Segalen (Fayard, 2004, 3 volumes : 2850 p.) en signant pour le Figaro littéraire un long compte rendu intitulé "Victor Segalen, les tribulations d’un poète en Chine", fév. 2005) qui est actuellement disponible en ligne.

La lecture est, rien de surprenant avec Simon leys, d'une grande pertinence, sans concession et magnifiquement virtuose. Grâce à cette évaluation méticuleuse, j'ai finalement compris ce qui m'a toujours gêné, déplu, irrité dans l'oeuvre de Segalen, mis à part le "miraculeux accident" de René Leys.

Voici un court passage du compte rendu :

Quant aux gens, "le caractère chinois ne m'est pas sympathique... Je n'éprouve pour lui ni admiration ni sentiment de grandeur ou de force. Toutes ses manifestations autour de moi sont frappées d'infantilisme ou de sénilité. Ils pleurent comme des petites filles, se battent comme des roquets, grimacent comme des clowns et sont irrémissiblement un peuple de laids".

Alors, qu'était-il donc allé faire là-bas ? "Au fond ce n'est pas la Chine que je suis venu chercher ici, mais une vision de la Chine. Celle-là, je la tiens, et j'y mords à pleines dents." Phrase clé, et qui explique un mystère : ce profond poète a entièrement ignoré la sublime poésie chinoise ; ce fin connaisseur de peinture semble n'avoir pas vu une seule peinture chinoise (dans toute sa correspondance, il ne fait qu'une fois mention de cet art incomparable, mais en termes abstraits, et en l'accompagnant d'une sottise : "Je travaille la peinture chinoise. Ancienne bien entendu. L'actuelle n'existe pas").

Plus ahurissant encore, ce passionné de musique ignore jusqu'à l'existence même d'une musique classique chinoise la musique des lettrés, musique de l'âme et du silence, jouée sur la cithare à sept cordes,
guqin. Et il ose se plaindre qu'il vit dans "un pays sans musicalité" qui ne connaît que le bruit ! Il n'a jamais cherché à rencontrer des maîtres chinois qui eussent pu l'initier aux disciplines variées de leur culture, il ne fréquente ni lettrés ni artistes, il semble n'avoir jamais eu une seule conversation intelligente avec un seul intellectuel chinois.

Aussi, ce n'est pas la Chine qui est finie, "close, sucée" cette Chine, en fait, il n'y avait même pas mordu mais seulement sa "vision". Et cette vision, quelle était-elle ? Il l'a consignée dans ce qu'il concevait comme son grand oeuvre,
Le Fils du Ciel. Hélas, ce Fils du Ciel est à l'Empereur de Chine, à peu près ce que Le Mikado de Gilbert et Sullivan est à l'Empereur du Japon avec cette seule différence que le premier n'est guère amusant.

mardi 1 février 2005

Appel du Canada

Dans la série des courriels bancals, en voici un qui me laisse pantois :

bonjour a vous,
ici xxxxxxxxx en direct du canada ( pour situer, j etais l an dernier en maitrise mais je n ai pas encore fini mon memoire), j espere tout d abord que vous allez bien apres cet enorme colloque... et je vous ecrivez en fait car je viens d aller sur votre site et je n y ai malheureusement pas trouve la plaquette qui concerne le cours de methodologie que vous nous aviez distribue l an dernier.
et j en suis tres desolee parce que je n avais pas penser a l emmener avec moi ici, et que j en aurai besoin...
donc voila si mon appel a ete entendu tant mieux, sinon, et bien a la prochaine fois..
aurevoir
xxxxxxxxx